ous connaissons ce château et ses jardins grace à quelques écrits et estampes que fit faire la comtesse d'Aiguillon, héritière du château à la mort de Richelieu en 1642.
Avant de devenir la propriété de ce dernier qui l'acheta en 1633- car proche de Saint-Germain- les jardins avaient conquis la célébrité grâce à
Jean Moisset. D'origine modeste, il devint tailleur de la Grande Ecurie, fit fortune et fut nommé en 1600, contrôleur de l'Argenterie puis entra dans les Fermes où il acquit d'immenses richesses.
Début 1608, il passait un marché avec Jehan Séjourné pour la construction d'une grotte avec jeux d'eau qui sera plus tard appelée la "vieille grotte".
Il avait agrandi le parc par l'acquisition d'une vingtaine d'acres qui en comptait déjà une soixantaine et avait dépensé tant pour la maison que pour les jardins.
Ruel devient entre les mains de Moisset une résidence sompteuse où la cour toute entière trouvait une hospitalité aussi familière que splendide lorsqu'elle se transportait à Saint-Germain où elle chassait dans les environs. Dans les journaux et mémoires du temps, les chroniqueurs parlent souvent des fêtes qui y furent données.
Si le château n'avait rien d'extraordinaire, les jardins à l'italienne firent la renommée du lieu. Les jeux d'eau des grottes rappellent ceux de Saint-Germain et l'on peut supposer que les Francine ou leurs descendants en soient les auteurs, mais rien ne peut l'affirmer!
A sa mort, en 1619, c'est son ami et associé Pierre Payen qui devient propriétaire du château; son fils, François-Pierre Payen-Deslandes lui succéde en 1625. Grand ami des lettres, il ouvre sa demeure aux écrivains et poètes. Mais en novembre 1630, après "la journée des dupes", par fidélité ou compromission, il est obligé de s'exiler à Bruxelles avec la reine mère. Ses biens sont saisis et le château est adjugé pour la somme de 147 000 livres tournois à Armand Jean du Plessis Cardinal Duc de Richelieu, qui à son tour agrandira le domaine de la moitié de sa surface.
eter Heylyn visita la France en 1625 et le château de Ruel, un endroit si plein de promenades retirées, si agréablement et délicatement continuées, qu'elles seraient susceptibles de vous entraîner à la mélancolie; car en ces lieux, la mélancolie même paraîtrai délicieuse... On dirait à la fois un bosquet, un verger, une vigne tellement les éléments en sont entremêlés et subtilement mélangés, comme si l'artiste avait voulu rendre l'homme amoureux de la confusion. Au milieu de cette "nature sauvage" se dressait la maison entourée d'une douve d'eau courante; charmante, et par conséquent petite, elle est construite plutôt pour un banquet que pour une fête.
Il mentionne deux fontaines d'un travail remarquable
dont celle du Dragon qui est comme un basilic de cuivre qui avait été conçu par le fontainier de manière à projeter de l'eau à environ six pieds de haut et tournait sur lui-même si rapidement que l'on pouvait difficilement échapper aux éclaboussures.
oisrobert qui était un familier du cardinal de Richelieu tomba plusieurs fois en disgrace. Il lui dédie une épitre dans laquelle il brosse un portrait panégyrique du cardinal, conte son désarroi d'être éloigné et rappelle la magnificence de Ruel qu'il ne peut plus admirer.
[...] Depuis que j'ay quitté Ruel Je souffre un mal continuel, Je sens mon ame toute esmue, Non pour avoir perdu de vue Mille surprenantes beautez Dont mes yeux estoient enchantez: Mais pour t'avoir perdu toy-méme, Toy, qui par ton mérite extréme Touche les cœurs, & beaucoup mieux, Que Ruel ne touche les yeux. Certes ce lieu tout plein de charmes De mes yeux arracha des larmes, Au moment que je le revy Quoy que mon cœur en fust ravy. |
Quand je rentray dans ces allées, Qu'un Dieu si souvent a foulées, Si tost que je portay les yeux Sur ces jardins delicieux, Sur ces Canaux & ces Fontaines Où j'endormois toutes mes peines, Ce Parc qui fut mon élément Quand je vivois auprès d'Armand, Rappella dedans ma pensée L'estat de ma gloire passée, Comme celle de l'Univers, Quand ce digne objet de nos Vers Plein d'une sagesse profonde Prenoit la conduitte du monde. [...] |
Ces vers ne passeront pas à la postérité et pourtant de Boisrobert fut un des créateurs de l'Académie française!
lie Brackenoffer visita la France et l'Italie en 1644/1646 et mentionna dans un journal les lieux qu'il visita. Lorsqu'il découvre le jardin de Ruel, il note: Le jardin est supérieur à ceux de Saint-Germain et de Fontainebleau pour la quantité de ses belles fontaines, de ses grottes, de ses jeux d'eau, de ses peintures en perpective, de ses belles, larges et longues allées, de ses canaux, de ses orangers, de ses bocages, de ses étangs, de ses îles, de ses parterres et de ses statues; car on n'a rien négligé là de ce qui peut contribuer au plaisir. Le jardin fleuriste est artistement garni de buis qui représente toutes sortes de gentillesses; il a une belle statue de bronze; il est d'une jolie forme carrée, assez grand; il est dans le voisinage de la maison, qui en a la vue.
Nous descendîmes une très belle, large et longue allée, sous l'ombrage des arbres plantés des deux côtés, et nous arrivâmes, à gauche, à l'orangerie, bâtiment dans lequel il y avait beaucoup de plantes exotiques, grenadiers, citronniers, et orangers, en grande quantité; il y avait aussi là une belle fontaine, dont la vasque était jolie et assez grande. Mais ce qu'il y a d'essentiel et de plus important à voir dans tout le château, c'est, sur la muraille, une peinture à la détrempe, près de l'orangerie. C'est un arc triomphe avec deux chevaux au-dessus, diverses statues antiques et inscriptions, de vieilles murailles, des colonnes. [...]
De là, par une belle et large galerie, nous nous rendimes à la fontaine du Dragon. Ce n'est pas autre chose qu'un dragon, qui avait un tuyau dans la gueule et qu'on pouvait tourner comme on voulait; une balustrade carrée de bâtons, à peu près à hauteur d'homme, faisait deux fois le tour du dragon, et était close d'une porte, que le fontainier s'empressait de fermer derrière lui, une fois les étrangers introduits; puis il dirigeait contre eux le tuyau, de telle sorte qu'ils étaient tous mouillés et que personne ne pouvait y échapper, même en se retirant dans l'autre passage, car ils étaient atteints à travers la balustrade.[...]
De là, copieusement mouillés, nous gravîmes un large et bel escalier de pierre de quatre-vingt-quatre marches; en haut nous trouvâmes une grande fontaine, qui a 120 pas de tour; il est remarquable que l'eau ait été portée si haut. [...] Des deux côtés de ce large escalier, il y a deux étroits canaux, dans lesquels l'eau tombe avec un murmure agréable.
Au milieu de l'escalier, il y a quatre fontaines, puis entre chacune deux autres vasques de pierre ou conques marines; l'eau de la fontaine court de l'une à l'autre, ce qui produit un charmant gazouillement. Par-devant, l'escalier est orné d'orangers et de citronniers. De cet endroit, on voit une très longue, large et gentille galerie, au bout de laquelle se trouve une tête avec une grande gueule ouverte, haute de trois ou quatre statures humaines. A l'intérieur, il y a un rocher, fait de coquillages, de colimaçons et artistement taillé en pierre en façon de roc; il y a une fontaine dedans. La tête est de belle pierre, elle a de grandes oreilles, une puissante gorge, elle est effrayante de loin. L'eau qui vient de cette cascade court dans un étroit canal presque à la moitié de la longue galerie susdite, où elle se perd et s'enfonce dans la terre.
Ce qui vient d'être décrit était la grotte dite "de la baleine"; la perspective menait aux "portes des Enfers" comme il en existait dans les jardins italiens et ne répondait pas aux critères adoptés par Le Nôtre.
Puis l'auteur nous décrit une grotte de forme octogonale qui rappelle celles de Saint-Germain-en-Laye et conclut: En résumé, ce jardin, si plein d'attractions, de bois, d'allées ombreuses d'ormes élancés, de ruisseaux murmurants, de fraîches fontaines, de fleurs odorantes, cette maison pleine de peinture de valeur est tenue si brillante et si nette que le roi l'a souvent choisie pour résidence; ainsi l'été dernier, il y a passé plusieurs mois avec madame sa mère. Maintenant, cette demeure est échue par héritage à la duchesse d'Esguillon.
n 1644, John Evelyn qui visite la France, écrit à propos de Ruel: Bien que la maison ne soit pas des plus grandes, les jardins qui l'entourent sont si magnifiques que je doute qu'il en existe quelqu'un, en Italie, qui puisse les surpasser dans toute la variété des plaisirs qu'ils offrent.