n ce qui concerne l'accès à la spiritualité, l'image du Christ dans le monde symbolique est sûrement un des archétypes le plus élevé que l'homme puisse accomplir. Lorsque Jésus ressuscite, c'est en jardinier qu'il apparait. Cette image du Christ-jardinier s'adresse à nous et non à une quelconque Eglise qui en fit un nouvel Adam pour ne rester que dans le monde des images, sans poursuivre que ce pourrait être l'accès à l'Eden primitif- y compris sa part d'utopie. Un symbole nécessite une interprétation à plusieurs niveaux et, si l'Eglise nous rappelle fréquemment que Jésus était Dieu, elle oublie facilement qu'il était aussi "homme". Rester dans le monde des images, c'est invariablemnt quitter le monde réel et par des faits divers, l'effet des jeux informatiques sur de jeunes cerveaux, quelquefois, nous le rappelle.
L'initiation auquelle Jésus nous convie, en est l'ultime puisqu'elle aboutit en une crucifixion, bien que symbolique mais n'excluant pas les souffrances qui y mènent; autre procédé de rencontrer la mort dans les pires conditions mais aussi d'être mis face à face avec la cruauté de la vie. Nous retrouvons tous les éléments de l'initiation labyrinthique à un degré supérieur mais transformée par l'Eglise en une religion accompagnée des modifications nécessaires pour en faire un "étouffe-chrétien"!
Et c'est en ce sens que la vraie vie se dévoile; et nous pouvons dire avec Sénèque: C'est le sage qui, sans ombre de sollicitude, sait vivre pour lui; car il possède la première des sciences, la science de la vie.
L'Eglise ne poursuivit pas la voie du jardin pour signifier ce nouvel état mais le comparera au miel et désignera les saints de "bienheureux".
Mais n'est-ce pas là le nirvana des orientaux, le Graal de la légende arthurienne en tant que conte initiatique, la pierre philosophale des alchimistes qui sublime "le plomb en or" et "le poison en élixir" selon les bouddhistes!
Après le voyage spirituel que cette initiation nous convie et par la connaissance du "royaume du ciel", c'est avec la réalité terrienne et le retour aux sources avec un outil de jardinage que nous y sommes invités car la terre est le seul lieu que nous pouvons habiter, les pieds bien ancrés sur elle.
N'y a t-il plus concret que le jardinage?
C'est un fait qu'on ne se soucie pas de savoir sur quoi on marche: on se précipite comme un fou et on s'occupe surtout des beaux nuages qui sont la-haut et du bel horizon ou des belles montagnes qui sont là-bas; mais on ne regarde pas à ses pieds pour se dire que la terre sur laquelle on marche est belle. Il faudrait que vous ayez un jardin grand comme la main ou du moins une simple petite plate-bande, pour que vous vous rendiez compte de ce sur quoi vous marchez."
Karel Capek - L'année du jardinier.
lors qu'un combat se livre dans l'âme d'Augustin, celui-ci se réfugie au jardin de la maison qu'il loue.
Il y avait, là où nous étions hébergés, un petit jardin; il était à notre disposition au même titre que toute la maison: le propriétaire, notre hôte, n'y résidait pas. C'est là que l'orage de mon coeur avait entraîné mes pas: personne ne devait entraver la lutte farouche que j'engageais contre moi-même, et cela jusqu'à son issue. Par quelles voies, toi, tu le savais, moi, non: j'en étais seulement à délirer pour guérir, à mourir pour vivre, conscient de l'Être de Mal que j'étais, inconscient de l'Être de Bien que j'allais devenir avant peu.
Suit un discours sur "le "vouloir" et le "pouvoir"."
Alors qu'Augustin était en plein bouillonnement d'hésitations
et qu'il faisait mille gestes que des hommes voudraient pouvoir accomplir sans le pouvoir.
Je n'accomplissais pas ce qui charmait incomparablement plus mon désir, et où, par la suite, le "pouvoir" allait suivre aussitôt le "vouloir" allait être un "vouloir plénier". Dans le cas présent, en effet, la possibilité de faire impliquait de lui-même à la possibilité de vouloir, et le "vouloir" impliquait de lui-même de "faire"; et pourtant cela ne se faisait pas; et il était plus facile pour le corps d'obéir à la plus légère volonté de mon âme- pour mouvoir les membres à son gré- qu'à l'âme de s'obéir à elle-même- pour accomplir, en s'appuyant sur sa volonté seule, ce grand projet qu'elle nourrissait.
Tel était le combat, au fond de mon coeur, qui n'opposait que moi à moi-même.
Suit le développement de cette constatation où Augustin n'obéit plus à ses désirs mais à son âme libérée, alors...
Quand enfin, de l'abîme mystérieux de mon âme, une méditation profonde eut ramené toute ma misère pour l'entasser sous le regard de mon coeur, il se leva une folle tempête porteuse d'une averse de larmes; pour la laisser se déverser avec tout son fracas, je me levai...
puis j'allais m'étendre, je ne sais plus comment, au pied d'un figuier. Je lâchai les rênes à mes larmes, les flots de mes yeux débordèrent, sacrifice agréable devant toi.
Cette histoire rejoint parfaitement le "non-agir" des taoïstes en proposant un langage occidental, moins paradoxal.
La voie du ciel
sait vaincre sans lutter, répondre sans parler, venir sans qu'on l'appelle et former ses projets avec sérénité. |
Le Tao demeure toujours sans agir
et pourtant il n'y a rien qui se fasse sans lui.
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Si des auteurs se sont penchés sur le sens de la démarche de Saint-Augustin sous le figuier, ils auraient pu aussi réfléchir sur le sens de cette scène qui se passe dans un jardin qui tient le rôle de "révélateur".
Lie-Tseu soigna ses cochons, le poète taoïste écrira auquel le bouddhiste répondra: je puise mon eau, je coupe mon bois. Tous se tournent vers la simplicité et principalement le taoïte, en pratiquant une vie rustique de paysans ou de pêcheurs, de jardiniers ou encore d'ermites, hors d'atteinte de la civilisation et de l'influence de la cour des princes.
Et Roberto Assagioli nous fait bien remarquer que toute élévation spirituelle doit être accompagnée d'une prise de conscience de la réalité terrienne afin que ces composants soient en équilibre.
Nous revenons à une hortithérapie classique où le jardinage joue un rôle équilibrant entre les différents éléments de l'être.
Quelques faits divers- provenant principalemnt des usa- nous rappellent ce fait, certains individus se prenant alors pour Jésus-Christ ou même Dieu, en fondant de nouvelles sectes ou en y adhérant.
Thich Nhat Hanh avait bien compris que savoir marcher sur terre était le premier pas à faire pour une vie en pleine conscience et proposait des marches ayant ce but, solution très limitée par le peu de possibilités qu'offre la vie urbaine moderne.
Demeurant et travaillant dans les étages, ne foulant le sol que par macadam interposé, se déplaçant en voiture ou transport en commun, voire par les airs, l'homme moderne n'a plus l'occasion de s'abaisser et de prendre une motte de terre dans ses mains, joindre l'homme, l'humus et l'humilité, et même le paysan devenu exploitant, du haut de son tracteur n'a plus ce contact; il la domine et l'empoisonne avec tout son environnement au lieu de la bien traiter.
Autre moyen de prendre contact avec la terre: la poterie, la sculpture, qui, à l'opposé du dessin, oblige à travailler dans l'espace et le temps et d'en prendre davantage conscience.
Quant à l'éternité elle est appréhendée sous plusieurs formes: telle quelle pour le taoïste que les Chinois nommeront "Immortel", avec retour sur terre pour le bouddhiste jusqu'à ce que le dernier humain soit libéré, l'atteinte du royaume des cieux pour le chrétien.
Il est curieux de constater que si Jésus nous invite à boire du vin, les poètes taoïstes en étaient grands amateurs car il était breuvage de vie et d'éternité.
et que l'ivresse fait approcher de la sainteté, car, comme la danse, elle prépare à l'extase.
Ce principe se retrouve dans le culte à Dionysos, dieu de l'ivresse et de l'extase; le vin, comme le soma védique, est censé aider à la conquête de l'immortalité et on a même supposé que ce dieu pouvait être d'origine indienne; les Grecs le considéraient comme un dieu étranger et vagabond et lui donnaient parmi ses épithètes, celui de Digonos, c'est à dire "deux fois né".
Nous pouvons rappeler ici la légende d'Ariane qui nous a fait comprendre le symbolisme du labyrinthe. Celle-ci après avoir aidé Thésée à sortir de celui-ci, se réfugie avec lui sur l'ile de Naxos où Thésée l'abandonne. Ariane, symbole de l'anima, de l'âme, sera alors secourue pas Dionysos qui l'épousera. Son union mystique avec lui la divinisera à son tour et sera ainsi accueillie parmi les dieux.
Nous retrouvons ici le vin qui, comme symbole, permet l'épanouissement de l'âme en la liant au divin.
Je suis ivre, le vent emporte mon bonnet heureux, je m'attache à danser avec la lune. Li-Po
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Quand le pêcheur veut boire, où va t'il?
Il va chez le tavernier étaler ses poissons et ses crabes pour les échanger,
Sans mesurer, contre du vin, jusqu'à ce qu'il soit ivre,
ni l'un, ni l'autre ne discutent le prix.
ans le processus alchimique comme dans le jardinage les quatre éléments participent à l'élaboration de la Création; le soleil sur la terre, comme le feu dans la cornue permet par un bon dosage, d'extraire l'humidité puis de les séparer; l'eau retombe en eau purifiée telle la rosée et l'union de substances pures en matière stable sera la pierre philosophale. Ainsi de corruptions en purifications successives, puis en réunissant de purs esprits, l'alchimiste assistera à la naissance de "l'homme philosophique", celui qui est parvenu à séparer "le subtil de l'épais" et d'entrer dans la connaissance des origines et des liens qui unissent toutes choses. Le même itinéraire vers la liberté intérieure sera celui des "Princes fortunez" de François Béroalde de Verville. Pour atteindre la pureté, le corps doit laisser la place à l'esprit et le remettre en mouvement tout comme il dort dans le métal: le vieil homme impur renait à l'âge de Saturne.
Le jardin offre à l'alchimiste le microcosme idéal en son devenir pour sa quête avec l'harmonie du macrocosme; il fait intervenir les planètes, comme aujourd'hui encore dans l'astrologie et la méthode de culture bio-dynamique de Rudolf Steiner; c'est en tant qu'alchimiste, astrologue et jardinier qu'il agit.
Une sagesse fondée sur l'observation et sur la sympathie profonde avec l'ordre de la nature impose d'en imiter le travail
et Beroalde de Verville fera le parallèle entre la quête de l'élixir et la croissance de la sagesse.
Le mouvement ascendant de la sève depuis les profondeurs de la terre jusqu'à la maturation du fruit image la transmutation de l'oeuvre de la nature au processus alchimique; il a pour vertu d'amener l'individu vers le grand oeuvre en l'obligeant de rester ancré dans la réalité terrestre: le jardinier, homme de la terre, devient l'alchimiste, créateur de sa propre ascension et pourrait-on dire, "élément constitutif de son jardin" car pour lui, Dieu a créé le minéral, le végétal, l'animal et l'homme sur le même schéma. Il lui appartient donc de réanimer le cycle vivant interrompu dans le minéral comme de ressusciter en lui l'énergie divine dont il est possesseur: l'or gît en nous comme dans toute la nature. [...] Le jardinier est un éveilleur de potentialités prisonnières. Il épouse la palpitation saisonnière, les élans et les engourdissements de la sève, s'il veut des fruits.
dit Danièle Duport. Et elle ajoute dans sa conclusion: Le jardin philosophe construit un lieu d'espérance dans le retour à l'état originel. Il semblerait que l'art du jardinage s'identifie à une transformation positive de la nature en des formes supérieures. [...] Le jardinier n'a jamais rompu le lien ni le pacte qui tenaient l'homme attaché à la création. Par sa fidélité au premier commandement, il apparaît qu'il a bel et bien surmonté les effets de la chute.
Ainsi, le travail du jardinier commence par les labours et se poursuivra en filigramme pour créer un jardin d'agrément dont la fontaine sera la principale figure représentant le rétablissement du flux de la terre vers le ciel pour renouer l'homme à son origine céleste.
Dans le taoïsme, il a l'air d'un sot ou encore, comme le fait remarquer Pierre Hadot, comparant le vol de l'esprit à l'albatros de Beaudelaire rend ces oiseaux, sur les planches, maladroits et honteux.
Alors que la foule est en fête... je reste seul, dans une immobilité impassible, tel l'enfançon qui ne sait pas encore sourire.
Je suis comme un misérable sans refuge. Alors que les autres ont plus qu'il ne faut, seul je semble avoir tout perdu. Comme j'ai l'air stupide! Combien inculte! Comme les gens sont brillants! Seul je suis obscur. Comme ils sont sûrs d'eux! Seul je suis hésitant. Tous ont quelque talent, et seul je suis aussi ignorant qu'un rustre. Différent des autres, seul je préfère téter ma mère. Lie-Tseu |
Heureux les pauvres en esprit,
car le Royaume des Cieux est à eux. Matthieu 5-3
à comparer avec:
Lorsqu'un esprit supérieur entend le Tao,
il le pratique avec zèle. Lorsqu'un esprit moyen entend le Tao, tantôt il le conserve, tantôt il le perd. Lorsqu'un esprit inférieur entend le Tao, Il en rit aux éclats. S'il n'en riait pas le Tao ne serait plus le Tao. Lao-Tseu |
Quand il agit, il n'attend aucune récompense de son action; une fois l'oeuvre accomplie, il ne jouit pas de son mérite; il ne fait pas montre de ses talents.
Lie-Tseu
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Pratique le non-agir,
fais le non-faire, goûte le sans saveur, considère le petit comme le grand et le peu comme beaucoup. Attaque une difficulté dans ses éléments faciles, accomplis une grande oeuvre par de menus actes. La chose la plus difficile au monde se réduit finalement à des éléments faciles. |
L'oeuvre la plus grandiose s'accomplit
nécessairement par de menus actes. Le saint ne fait jamais rien de grand et peut ainsi accomplir sa grandeur. Qui promet à la légère tient rarement sa parole. Qui trouve tout facile éprouve nécessairement beaucoup de difficultés. Le saint tient tout pour difficile et ne rencontre finalement aucune difficulté. Lao-Tseu |
la première vue, le jardin annonce le statut social du propriétaire, ouvrier, paysan, bourgeois, prince, lettré, roi ou religieux, mais en l'étudiant de plus près en comprendre davantage.
Là où campent les armées poussent épines et chardons. Lao-Tseu.
Selon son mode de culture, écologique ou non, nous saurons ce qu'est le jardinier, en paix avec la nature ou, armé d'une lance et d'un pulvérisateur, la combattant et avec laquelle il n'aura trouvé, ni l'équilibre, ni la paix.
On pourrait dire aujourd'hui, que tous les territoires cultivés sont devenus de "mornes plaines" où gisent de rares fermes isolées, cernées d'éléments industriels dans lesquels sont amassées productions végétales ou animales, où l'Humain a disparu ainsi que toutes formes vivantes, vaincues par la guerre déclarée à leurs encontres et qui se poursuit avec un arsenal de plus en plus destructeur.
"Pas un arbre en vue, si ce n'est quelques noyers, miraculeux rescapés, et des ilots de frênes, d'aubépines et de chênes, faux-semblants de forêts. Rien d'autre, à part des champs de blé, de tournesol ou de betteraves à perte de vue.
C'était de la terre morte, incapable de produire quoi que ce soit sans apport d'engrais chimiques.
De fait, tout, dans ce paysage, respirait la mort.
Au cours de mes promenades, il était exceptionnel que je croise des êtres humains, mis à part les rares agriculteurs que j'apercevais au loin, perchés en haut de leur engins géants déployant leurs ailes, tels des oiseaux préhistoriques, pour épandre sur les champs pesticides ou engrais. Les villages aux vieilles maisons en pierre, entourés de leur couronne de pavillons modernes, paraissaient inhabités.... Je traversais ces villages avec mon vélo comme on traverse, en rêve, un pays après une guerre nucléaire.
Cela explique sans doute pourquoi, tandis que je pédalais, les images de la guerre que j'avais laissées derrière moi revenaient parfois. Elles se répandaient, pour ainsi dire, dans cette campagne morne, sous le ciel gris, au milieu des innombrables épis de blé.... Et les images de destruction et de mort restaient là, tout autour de moi, plus terribles que jamais.
Le pire c'étaient les jardins des pavillons. Toujours vides et plats, ils étaient entourés de simples grillages ou de murets surmontés de balustrades absurdement classiques. Ils renfermaient des pelouses souvent jaunâtres mais toujours impeccablement tondues. Pour tout ornement, ces jardins possédaient des massifs de génévriers bleus ou panachés, des lauriers-cerises, les inévitables touffes d'herbes de la pampa, un palmier ou deux, des prunus au feuillage rouge éteint, des balançoires ou des toboggans en plastique pour des enfants invisibles, des niches pour les chiens. Seuls les nains occasionnels ou les Vénus en plâtre parvenaient à donner une note quelque peu attendrissante à ces jardins, tous pareils, qui semblaient avoir poussé spontanément dans la "terre morte" des champs.
De ces promenades à travers la campagne, je rentrais toujours découragé."
Theodor Cérič - Le jardin de Godot dans la revue "Jardins" n°5 / 2014.
Ainsi Theodor Cérič, traversant en vélo une partie de la Brie, en fait une description qui convient aujourd'hui aux terres agricoles et aux villages où le particularisme des régions s'est évanoui derrière l'industrialisation et la standardisation de toute la société.
J'ajouterais à cette description, les forshysias, les cognassiers du Japon et les liquidambars dans les jardins des lotissements, véritables villages-cimetières de morts-vivants où toute vie est absente, où la faune sauvage, oiseaux insectivores et abeilles ont disparu, ne restant que les corbeaux pour accompagner lesdits agriculteurs... tristes augures auraient soulignés nos ancêtres!
es jardins se sont toujours développés dans des périodes de paix et de stabilité. Aussitôt la guerre venue, qu'elle soit vindicative ou spéculative, la plupart ont disparu, saccagés par les armées ou les bulldozers. Le jardin d'Hesdin, par les guerres de cent ans, le jardin du palais d'été en Chine par les troupes franco-anglaises, mais aussi de nombreux jardins italiens et français par la spéculation, les intérêts financiers et les priorités données aux automobiles, après la guerre de 1939-1945.
Dans les cités fortifiées, les jardins se situaient près des remparts pour laisser manoeuvrer les troupes lors des hostilités; ils reparaîssaient avec la paix retrouvée.
J'ai compris récemment ce qu'était la quiétude.
Alors je me suis éloigné de la foule. .... Soudain, j'ai compris que la quiétude est la joie. Et que ma vie était un loisir sans fin. Wang Wei
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... la vertu est toute harmonie; tous ses actes sont à l'unisson et en concordance parfaite avec elle, concordance qui sera détruite si l'âme, de la hauteur où elle devait être, se laisse plonger dans le deuil et le désespoir. Toute agitation de la peur, toute anxiété, toute paresse d'agir est contraire à l'honnête. L'honnête est pleine de sécurité, libre d'embarras, de frayeur, toujours alerte au combat."Mais quoi? Le sage ne ressentira-t-il pas alors quelque espèce de trouble? N'aura-t-il pas le teint altéré, le visage ému, les membres saisis d'un froid soudain. N'éprouvera-t-il rien de ces impressions qui agissent sans que la volonté y préside, par un mouvement indélibéré de la nature?" Je l'avoue, mais il n'en demeurera pas moins convaincu qu'aucune de ces pertes n'est un mal et ne mérite qu'une âme saine y succombe. Tout ce que son devoir lui dit de faire, il le fait hardiment, avec promptitude. [...] ... quelle plus grande extravagance que d'être en anxiété de l'avenir, et au lieu de se réserver pour les douleurs futures, d'aller au-devant de ses misères et de rapprocher des crises que pour bien faire on doit reculer, si les dissiper est impossible. ... C'est par un même travers que certains esprits, amoureux du chagrin et en quête de sujets d'affliction, s'attristent de vieux souvenirs déjà effacés par le temps. Les peines passées, tout comme celles à venir, sont loin de nous: nous ne sentons ni les unes, ni les autres. Or il faut que l'on sente pour qu'il y ait douleur.
l faut séparer ces deux choses: la crainte de l'avenir et le souvenir des difficultés d'autrefois: ceci ne me concerne plus, ceci ne me concerne pas encore. - Le sage jouit du présent sans dépendre du futur. Libéré des lourds soucis qui torturent l'âme il n'espère rien, il ne désire rien, et il ne s'élance pas dans l'incertain, car il se contente de ce qu'il a. Et ne crois pas qu'il se contente de peu, car ce qu'il a, c'est toutes choses.
Et Epicure dira: La vie de l'insensé n'est qu'ingratitude, qu'anxiété, qu'élancement vers l'avenir.
et ainsi, il oublie de vivre....
Sous la poutre, le nid d'hirondelle est vide
Un peu d'argile en tombe... Hsieh Ling-yun
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Les rides du lac s'éloignent doucement.
Des mouettes blanches piquent avec légèreté. Wang Kuo-wei
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Le passé est déjà mort, le futur n'est pas encore né, seul est vivant l'instant présent.
Je cueille des chrysanthèmes au pied de la haie
Et contemple en silence les montagnes du Sud. L'air de la montagne est pur dans le crépuscule Et les oiseaux, par bandes, regagnent leurs nids. Toutes ces choses ont un sens profond, Mais lorsque j'essaie de l'exprimer tout se perd dans le silence. |
Celui qui sait ne parle pas
celui qui parle ne sait pas. Lao-Tseu
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Si nous pouvions au sein du silence, réellemnt sentir la présence de la nature de cette manière, nous ne pourrions certainement plus penser la Nature sur un mode purement explicatif. Cette présence accueillie dans une ouverture silencieuse abolit la séparation mise en place par la dualité de la pensée ordinaire, cette dualité qui tisse un voile souvent épais dans lequel le contact vivant disparaît.
Le pur silence: l'élément naturel de l'âme... Christian Bobin Souveraineté du vide
Depuis toujours, sauf aujourd'hui dans notre société qui ne voit dans la nature que les profits qu'elle peut en tirer, les hommes ont entrenu avec l'arbre des liens si étroits et si forts que l'on peut se demander si sans eux, la terre serait encore habitable.
Autant que dans le réel, où ils nous fournissent oxygène, chaleur et matière à travailler, ils ont par leur présence, nourri notre imaginaire et donner naissance à des représentations tels l'arbre cosmique faisant communiquer les trois mondes: souterrain, terrestre et céleste, l'arbre de Vie symbolisant l'immortalité dans différentes civilisations, l'arbre tutélaire des Celtes, les arbres symboliques des dieux grecs et romains, l'arbre de la connaissance de la Bible, etc...
La rencontre avec l'arbre cosmique ou arbre du monde donne à l'initié samoyède la possibilité de joindre le Ciel et la Terre et est ainsi comparé à un arbre dont les racines le tient à la terre et dont les branches rejoignent le ciel. Cette figure de l'arbre sert souvent à représenter l'individu ayant lié la Terre au ciel, c'est à dire sa matérialité terrestre et la spiritualité universelle.
Platon préférera "s'enraciner dans le ciel" représentant l'homme en arbre renversé. L'auteur de "Retour à l'émerveillement" reprend cette figure mais je garderais l'arbre comme symbole de l'homme, la tête dans les étoiles et les pieds enracinés sur notre planète, ici en l'occurence, le jardin car c'est peut-être là, quand l'homme d'Eglise imagine des figures hors de la réalité qu'il commence à marcher sur la tête....
Durant les guerres de religions, Bernard Palissy y fait un refuge afin d'échapper aux iniquités et malices des hommes
, jardin qui peut-être aussi celui pour le lettré taoïste, lassé des intrigues de la cour impériale, au jardinier pour rester lui-même et n'être pollué par les illusions et mirages de la société moderne.
e retour au jardin n'est pas un retour à la vie sauvage et la nature n'est pas en effet, l'Homme. La nature est belle et nourricière mais elle est cruelle et sans pitié: elle fut représentée par les artistes et poètes en une Isis voilée, image de ses secrets. L'Homme, tel le jardin doit en être séparé par une barrière infranchissable.
Le jardin représentera donc notre humanité, séparé du monde animal par cet enclos. Il limite notre liberté d'action bien que notre l'esprit ait acquis la liberté, nos actions seront limitées par la nécessité de vivre en compagnie d'autrui et de le respecter; si cette limite était franchie, nous franchirions l'enclos du jardin pour revenir à la vie animale, ce que notre humanité ne peut accomplir- si nous la respectons! Et là encore, le paradoxe sera: pour notre liberté soit réelle, il sera nécessaire de lui associée une éthique exigeante, cette dernière n'étant pas une barrière mais une protection provenant de notre humanité.
Plus nous nous intégrons au monde, plus notre responsabilité se trouve engagée pour sa défense et son respect car le défendre et le respecter devient notre propre défense et le respect de notre propre humanité; ce en quoi ces élèments limitent notre liberté mais accentuent notre responsabilité.
Epicure écrira: Fais-toi esclave de la philosophie, pour jouir d'une vraie indépendance.
et Sénèque ajoutera: Elle n'ajourne pas celui qui se soumet, qui se livre à elle. Il est tout d'abord affranchi; car l'obéissance à la philosophie, c'est la liberté.
et en citant le premier Il est dur de vivre sous le joug de la nécessité, mais il n'y a nulle nécessité d'y vivre!
Lavoisier.
out jardin est en retrait, de la nature mais aussi, s'il est en ville, de la rue, de la société dans lequel il s'inscrit. Cerné de haies ou de murs, il reste inaperçu du passant, comme l'âme de son propriétaire; détaché du monde, il est un espace serein, exposé aux seuls caprices du temps. C'est en effet le détachement cher au Lao-Tseu et à Maître Echkart qui conduira le jardinier à la liberté et sa faculté d'être "tel un jardin".
Héraclite.
Selon la sentence, "Pour vivre heureux, vivons cachés" et suivant cette doctrine, le sage est un "sage caché" et beaucoup de sages taoïstes, après une vie consacrée à une quelconque fonction, se retiraient de la vie publique, hors des tracas et des honneurs, qu'ils qualifiaient de bourbier. Certains, semblables aux écoles d'Athènes, créaient la leur consacrée à l'enseignement de cette philosophie... et peut-être comme le fit Epicure, à l'écart de la cité! D'autres enfin, grâce à leur détachement, poursuivaient leur carrière administrative au service de l'Empire, tout en se préservant de toutes corruptions, qui, malgré tout, les conduisit souvent à l'exil, au retrait, au bannissement et quelquefois à la mort. Les complots, les manoeuvres et le pouvoir ne sont pas faits pour l'âme intègre!
Cette conduite fut aussi celle des philosophes de l'Antiquité dont le devoir était de s'associer à la gouvernance de la cité ou à la volonté de donner à chacun cette liberté intérieure; ceci les amènera à la prison, à l'exil, à la mort ou à se donner la mort tels Sénèque et Socrate.
Depuis peu je connais une quiétude profonde.
Rien au monde ne préoccupe mon esprit. La brise qui vient des bois de pins fait voler mon écharpe. La lune de la montagne brille sur ma harpe. Vous me demandez d'expliquer la raison du succès ou de l'échec. La chanson du pêcheur s'enfonce dans la rivière. Wang Wei
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On me demande pour quelle raison j'habite la Montagne Verte
Je ris alors sans répondre, le coeur naturellement en paix Les fleurs de pêcher s'éloignent au fil de l'eau C'est un tout autre monde que parmi les hommes. Li Po
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Selon Simone Weil, le détachement est un renoncement à toutes les fins possibles, sans exception, renoncement qui met un vide à la place de l'avenir comme ferait l'approche imminente de la mort. C'est pourquoi dans les mystères antiques, dans la philosophie platonicienne, dans les textes sanscrits, dans la religion chrétienne, et très probablement toujours et partout, le détachement a été comparé à la mort.
Se détacher c'est abandonner tous liens envers les choses matérielles, mais aussi envers les croyances, les préjugés, les affirmations non confirmées par l'expérience, les haines générées par la crainte et l'ignorance, les on-dit, la pensée dominante pour ne vivre que le vrai.
nutile de se rendre aux Indes pour retrouver nos origines; celles-ci sont en nous et quelque soit le lieu où nous sommes.
Pierre Hadot écrit dans un de ses ouvrages: Ce désintéressement et cette indifférence ramènent ainsi à un état originel: la quiétude, la paix, qui au fond de nous, existe antérieurement à l'affirmation de notre individualité contre le monde et autrui, antérieurement donc à cet égoïsme et cet égocentrisme qui nous séparent de l'univers et nous entraînent inexorablement dans la poursuite inquiéte des plaisirs et dans la crainte perpétuelle des peines.
écrit Wang Chi qui abandonna ses fonctions à la Bibliothèque impériale pour aller vivre à la campagne tout comme Tao Hung Ching, qui démissionna de ses fonctions de précepteur des princes impériaux pour se retirer dans la montagne. A l'Empereur qui lui demande ses raisons:
Ce qu'il y a dans la montagne?
Sur les cols des nuages blancs... Je ne puis qu'en jouir tout seul, Et ne saurais vous les donner.
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L'esprit de l'homme cherche sans cesse hors de lui-même.
Et plus il cherche, plus il se contredit; Seuls ceux qui regardent en eux-mêmes Sont capables de réfréner leurs passions Et de faire taire leurs pensées. L'esprit atteint à la sérénité. Tranquiliser l'intelligence, c'est nourrir l'esprit Nourrir l'esprit, c'est rejoindre la Nature. |
IL FAULT SUYVRE NATURE COMME TRES BONNE GUYDE.
a Génèse fait d'Adam le premier jardinier, plus prosaïquement, ce fut le chasseur-cueilleur qui le fit lorsqu'il mit fin à sa recherche de nourriture et qu'il se sédentarisa. Ce pas de plus, le séparait davantage de l'animal et le faisait entrer dans une nouvelle humanité.
C'est ainsi, qu'au lieu d'errer et de migrer indéfiniment, il fit venir à lui son alimentation, avec en contrepartie la nécessité de travailler la terre; les troupeaux qui le suivaient dans ses déplacements devinrent comme lui sédentaires.
Quant à Gilles Clément, il préfère intituler l'un de ses écrits: "De l'animisme archaïque à l'animisme écologique" et fait remarquer qu'il n'en est pas toujours ainsi. Si les Pigmées, obligés à se sédentariser ont adopter cette démarche, les arborigènes d'Australie ont préféré le supermarché, car ils ne veulent blesser la terre par leur travail et par leur passage sur terre.
Si l'agriculture est mère des civilisations, le jardin à vocation potagère en est l'enfance. Quant aux jardins, il en sera la quintescence.
Le jardin vivrier fut le premier pas que l'homme fit par lequel il se sépara du sauvage pour entrer dans l'humanité.
A ce propos il faut citer les mythes qui racontent les aventures des héros qui deviennent civilisateurs, tel Gilgamesh qui, après un parcours initiatique, héros fondateur sumérien et Yu le Grand, fondateur de la dynastie Hia en Chine qui aménagea la terre, mit en ordre le tout, rendit la terre habitable et la civilisa, afin que les hommes puisent y vivre. Le jardin, à la mesure de l'homme, n'est-il pas le lieu issu du sauvage et réorganisé pour qu'il puisse y vivre?
"Le plus excellent et divin conseil, le meilleur et plus utile advertissement de tous mais le plus mal pratiqué est de s'étudier et apprendre à se connaître: c'est le fondement de sagesse et cheminement de tout bien: folie sans pareille que d'être attentif et diligent à connaître toutes autres choses plutôt que soi-même: la vraie science et la vraie étude de l'homme, c'est l'homme."
Si tu te parfumes, ne frotte pas ta coiffe; Et si tu te baignes, n'essuie pas ta robe. Sache le bien, le monde hait ce qui est pur. L'homme a l'esprit noble cache son éclat. Au bord d'une rivière est le vieux pêcheur: "Toi, moi, à la source nous retournerons!" Li-Po |
Celui qui cultive son véritable Soi atteint l'absolu.
Tchouang-tseu |
Revenir à l'origine, c'est la quiétude.
La quiétude signifie être pour soi. Lao Tseu
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O quel bien c'est à l'homme de cognoistre
Sa qualité, sa personne et son estre:
Car quand il peut au clair cela entendre
S'estime rien, non plus que poudre et cendre
Soit qu'il se voye au printemps agréable,
Beau, riche, adroit, tout cela est muable,
Par quelque temps, jeunesse on voit florir
Et tout après dessecher et mourir,
Cesluy pourtrait en démontre l'exemple,
Et prudent est qui le note et contemple.es gens ne devraient pas toujours tant réfléchir à ce qu'ils doivent faire, ils devraient plutôt penser à ce qu'ils doivent être. S'ils étaient seulement bons et conformes à leur nature, leurs œuvres pourraient briller d'une vive clarté.
Revenir à soi-même c'est revenir à la créativité comme le dit Abraham Maslow tout comme le taoïsme.
En parlant de la pureté des poèmes de T'ao Ch'ien et de la sérénité des paysages de Mi Fei ou de Ni Tsan, Chang Chung-Yuan écrit: Il y a dans ces oeuvres quelque chose qui nous donne le sentiment de la finalité inexprimable de l'homme et de l'univers. Il y a en elle une force qui suggère un plus haut degré de réalité, une unité spontanée et même non intentionnelle qui, pour le taoïste, procède du Tao, source primordiale de la créativité.
La créativité où le fait de créer n'est pas l'apanage des artistes reconnus, des compositeurs ou des poètes car nous sommes tous créatifs et artistes dans une quelconque activité car tout est art lorsque nous revenons à notre vraie personnalité. Elle est liée à la réceptivité et l'activité créatrice n'est pas de reproduire ce que l'on voit mais de reproduire le processus de création de la nature, ce qui faisait dire à Picasso: Il ne s'agit pas d'imiter la nature, mais de travailler comme elle.
et Paul Klee dira: L'artiste est un homme, et est lui-même nature, un fragment de la nature dans le domaine de la nature.
e jardin, à image de l'homme, nait de la séparation du cultivé et du sauvage. Tous deux issus du sauvage, tous deux en étant séparé par la culture.
Comme le dit Gilles Clément, la vie s'organise en complexifiant et non en simplifiant
; c'est donc revenir à l'origine que de voir les choses et de les vivre dans leur simplicité, hors du labyrinthe du monde, accompagnée d'une vision claire et d'une vie plus légère.
Discerne le simple et étreins le naturel,
réduis ton égoïsme et refrène tes désirs. Lao Tseu
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evenir à la spontanéité du naturel c'est aller au non-agir. Ce dernier ne peut être compris par l'intellect mais par l'éveil de la conscience ou par l'intuition naturelle immédiate plutôt que par un processus déductif, tout comme l'artiste qui révèle la réalité cachée des choses par quelques coups de pinceau: il la libère comme il se libère lui-même.
Celui qui est la Vallée du Monde,
ne s'écarte jamais de sa nature réelle Et retrouve ainsi l'innocence de l'enfant. Lao Tseu
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Laissez les petits enfants, et ne les empêchez pas de venir à moi; car le royaume des cieux est pour ceux qui leur ressemblent.
Matthieu 19
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vec lui, nous retrouvons le chemin initiatique d'Alice qui traversa le miroir pour entrer au pays des merveilles, émerveillement bien souvent le propre des enfants.
Rien n'est plus important que de s'émerveiller. C'est alors que l'on rencontre les grands secrets de l'existence et que ceux-ci se dévoilent.
Bertrand Vergely- Retour à l'émerveillement
Comme nous l'apprend Eric Berne chaque individu se compose d'un adulte, d'un parent et d'un enfant. Revenir à notre origine, c'est faire revivre cette part d'enfant, bien souvent enfoui au dedans de nous-même qui sera la source de ce nouvel émerveillemnt devant la nature et la vie retrouvées, mais cette fois accompagnée de notre part d'adulte.Ces états de fulgurance intéressent aujourd'hui les scientifiques car ils dévoilent des réalités cachées qu'ils pourront conceptualiser
Le monde vivant de la nature devient ce sujet, par cette ouverture de l'esprit, qui nous mène à la véritable existence des choses et des êtres comme l'a dit Simone Weil:
Il est donné à très peu d'esprits de découvrir que les êtres et les choses existent.
cité dans "Retour à l'émerveillemnt" de Bertrand Vergely.
Elle rejoint ainsi Heidegger qui écrit: L'étant seul l'intéresse, mais l'Etre de l'étant lui demeure étranger. [...] Le comportement humain fait éclater cette antinomie, quel homme connaît l'étant, mais oublie l'Etre.
Cette ouverture au merveilleux nous incite à reconnaître qu'il est de notre monde et qu'à lui-seul, il comble mais interroge notre âme.
Trente rayons convergent au moyeu
mais c'est le vide médian qui confère à la voiture sa fonction. On façonne l'argile pour faire des vases mais c'est du vide interne que dépend son usage. Une maison est percée de fenêtres c'est encore le vide qui permet l'usage de la maison. Ainsi "ce qui est" constitue la possibilité de toute chose; "ce qui n'est pas" constitue sa fonction. Lao Tseu
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Le Vide et la Sérénité dissipent la confusion de l'esprit
Comme les nuages blancs se déchirent, l'hiver, Lorsqu'ils rencontrent une montagne neigeuse. La lumière spirituelle dissipe les ténèbres Comme le clair de lune suit la trace du vaisseau de la nuit. Poème Zen
Le bambou! Il a l'esprit vide.
J'en fait mon ami. L'eau! Elle a bien une nature pure; J'en fait mon maître... C'est ainsi que la conscience de la vie apparaît.
Bertrand Vergely - Retour à l'émerveillement
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'émerveillement nous mène à entrer dans la poésie qui, au même titre que la science, décrit le monde, l'une dans sa subjectivité, l'autre dans sa réalité.
eureux ceux qui ont le coeur pur, car ils verront Dieu"
Il y avait quelque chose d'indéterminé,
Qui existait avant le Ciel et la Terre, Quelque chose de silencieux, d'invisible, D'inaltérable, d'indépendant, Toujours et inlassablement en mouvement, Capable d'être la Mère de l'Univers. Ne connaissant pas son nom, je l'appelle Tao. |
Le Tao qu'on saurait exprimer
N'est pas le Tao de toujours. Le nom qu'on saurait nommer n'est pas le nom de toujours. Le sans-nom: l'origine du ciel et de la terre, L'ayant nom: la mère de tous les êtres, etc... |
et selon Denys l'Aréopagite traduit par J.Y. Leloup:
Nous disons
que l'Origine de tout ce qui est, vit et respire Est au-delà de Tout. Elle n'est ni essence, ni existence, ni vie, ni raison, ni intelligence, Elle n'a de corps, ni de forme, ni de figure, Elle n'a ni qualité, ni quantité, ni matière, Elle n'est dans aucun lieu. Elle est non visible pour la vue, non saisissable par les sens. Elle est perceptible par aucun mode de perception. Elle n'éprouve ni désordre, ni agitation; rien ne la trouble ni de l'asservit, rien n'altère sa puissance, rien n'ajoute, rien ne manque à sa clarté. Elle n'éprouve ni mutation, ni dégradation, ni partage, ni privation, ni écoulement. Elle n'éprouve rien de sensible... |
Et dans un autre poème:
Nous élevant toujours plus haut, nous découvrons que cette origine n'est ni âme ni intelligence, qu'on y accède ni par l'imagination ni par l'opinion, l'intuition, la pensée, la parole, la définition. [...] Ni nous ni personne ne pourrait prétendre la connaître. Elle n'est ni être ni non-être, nul ne la connaît telle qu'elle est, et d'elle nul n'est connu. On ne peut ni la comprendre, ni la nommer, ni la connaître. Elle n'est ni ténèbres ni lumière, ni erreur ni vérité. On ne peut d'elle absolument rien affirmer, ni rien nier. En affirmant ou en niant des réalités qui lui sont inférieures, nous ne saurions ni affirmer ni nier quoi que ce soit la concernant puique c'est en delà de toute affirmation et de toute négation qu'elle demeure, Source unique et parfaite de tout ce qui est, vit et respire, infiniment libre avant et au-delà de Tout. |
Ici, les auteurs choisissent le féminin tout comme les Grecs dont la déesse primordiale était Gaïa, identifiée à la "Déesse mère" des peuples de l'Antiquité, alors que Jésus choisira le masculin pour définir l'origine.
Remplacer le mot "tao" par le mot "Dieu" dans les textes taoïstes n'en modifie pas le sens et les missionnaires chrétiens mélangeaient les deux mots pour faire accepter leur religion aux Chinois.
Rappelons également les mots de maître Eckhart "... l'essence unifie et enferme tout en soi. Dans cette étreinte générale Dieu le Père a perdu son nom - sans pour cela cesser en tant que Personne d'être le Père ; mais ceci est déjà une détermination. [...] C'est ainsi que ce Principe tient enfermé en lui les archétypes de toutes choses. C'est cela qui signifie que les choses sont Dieu en Dieu."
.
Philosophiaa religion est si prégnante dans la société qu'au terme de "spiritualité" on se tourne aussitôt vers les Eglises- ou une secte- pour en savoir davantage et suivre une voie toute tracée, où la pensée unique fait loi, en excluant ainsi toute recherche personnelle.
La religion a bien souvent cotoyé la magie, ses formules, ses rites et ses incantations et l'Eglise romaine, par ses dogmes et son intransigence, est devenue... un étouffe-chrétien.
Que ce soit Lao-Tseu, Bouddha ou Jésus-Christ, aucun ne fit valoir son appartenance à une quelconque religion mais nous firent connaître leur philosophie, et c'est en sages qu'ils s'affichèrent; c'est le propre de ceux-ci que de vivre selon la doctrine qu'ils enseignent, ce que tous firent dans l'Antiquité afin de former des disciples.
Tous trois nous mènent à une même destination, une même sagesse et un même humanisme. Toutes ces religions furent d'abord des philosophies, y compris l'enseignement chrétien dont la première école, crée à l'image de celles d'Athènes s'était constituée à Alexandrie, la Didascalée, dirigée par Clément d'Alexandrie puis Origène, avant que Rome ne prenne en mains toutes les directives pour une "bonne foi".
Les religions premières s'adressaient aux dieux et déesses de la nature auxquels on imploraitt d'être favorables aux récoltes, à la victoire et au destin. Elles étaient accompagnées de sacrifices, de rites et d'une mythologie propre à expliquer l'origine du monde et son histoire.
Par les rites, les trois religions monothéistes s'adressent à un dieu hors du monde! Et si la philosophie n'a pas exclu les oppositions et les batailles d'idées, ces religions ont provoqué des guerres dont les atrocités dépassent l'imagination par leur cruauté, que seuls la haine, l'intolérance, l'aveuglement et le fanatisme peuvent en être les origines.
Les textes mythologiques ne sont pas à négliger car ils nous apprennent beaucoup sur l'histoire des peuples; les interventions divines dans la vie des hommes fondateurs sont conventionnelles dans toutes les mythologies, grecque, assyrienne et autres.
Tous trois s'appuient sur:
• la transcendance,
• l'accès à la grande sympathie pour le taoïsme, la compassion pour le bouddhisme et l'amour du prochain pour le chrétien,
• la promesse d'éternité.
• la nécessité d'éliminer l'égoïsme,
et nous enseignent l'Amour, l'humilité, la tolérance et la compassion.
En ce qui concerne la nécessité d'éliminer l'égoïsme, la voie chrétienne demande de prendre pour soi les "péchés" d'autrui, c'est à dire d'être le "bouc émissaire" volontaire, la victime expiatrice, afin de l'abolir; il sera alors sacrifié pour ouvrir l'individu à une nouvelle conscience et à l'épanouissement de son être véritable. Est-ce bien le cas des milliers de catholiques?
Plotin aménera une totale révolution dans la religion des premiers siècles en établissant une science théologique pour une démarche individuelle intérieure afin que l'âme puisse retrouver son unité originelle. Pour celà il propose une théorie de l'être et de salut et abandonne toutes pratiques religieuses qu'il considère comme des artifices, le culte l'utilisant pour asservir les fidèles et leur impliquer leurs croyances. Il demandera un effort et une démarche intellectuelle personnels pour élever l'homme au niveau du divin.
Après l'assassinat de Gallien, néoplatonicien et tolérant vis à vis des chrétiens, il devra se réfugier à Naples où il mourra. Ses successeurs poursuivront son oeuvre jusqu'au règne de Justinien qui fera fermer toutes les écoles philosophiques de l'Empire où l'unique religion chrétienne sera obligatoire, sous peine de mort.
Ainsi Plotin nous donne une voie personnelle pour établir en nous une spiritualité conforme à notre être et à notre expérience, libre et indépendante de tous dogmes et soumise à notre seule raison et entendement afin de trouver la cohérence nécessaire avec notre vécu, nos sensations et nos prises de conscience. Il est à remarquer que la philosophie de Plotin est très proche du taoïsme puisque pour le premier, toutes choses émanent de l'Un, tout comme l'exprime le second.
Nous retrouvons la même idée chez Emerson qui écrit: Pourquoi n'aurions-nous pas une poésie et une philosophie puisées en nous-mêmes et non à la tradition, une religion reposant sur une révèlation qui nous soit propre et non sur l'histoire de la leur. [...] Exigeons nos propres oeuvres, des lois et un culte qui soient les nôtres.
Au sujet de la transformation de l'art de vivre philosophique en religion, lire l'excellent ouvrage de Paul Hadot: Qu'est-ce que la philosophie antique.
ant écrivait: Cet intérêt immédiat pour le beau de la nature n'est pas effectivement commun, mais seulement propre à ceux dont la manière de penser est déjà formée au bien ou tout particulièrement disposée à recevoir cette formation.
ivre au jardin ne veux pas dire s'exclure du monde mais c'est rester maître de soi-même en ne répondant pas aux sirènes de la société de consommation, c'est à dire en restant libre de nos choix en se contentant de notre strict nécessaire.
Vivre au jardin, c'est rester en contact avec tous les hommes car c'est voir en chacun d'eux un être semblable à nous à qui l'on doit la même considération comme à nous-même, et c'est aussi vivre selon notre nature et la nature.
C'est revenir à la simplicité et à la sobriété en n'ayant ce qui nous est nécessaire: toit, nourriture, amour, culture, en considérant que le matériel n'est qu'une aide, des outils, et à condition que nous en restions maîtres.
Que cultiver au jardin? Outre les végétaux que nous ne pouvons trouver dans le commerce pour des raisons de fragilité ou de moindre intérêt pour le producteur par leur faible rendement, c'est le lieu idéal où l'esprit peut se cultiver, où il peut voyager sans contrainte par la réflexion et la recherche.
C'est l'endroit où le jardinier peut cultiver l'amitié, partager les joies familiales, échanger avec ses voisins, découvrir tous les hôtes qui hantent les lieux, botaniser, observer, photographier et contempler.
C'est un espace à la fois de labeur et de repos, d'activité physique et de réflexion.
Au jardin comme ailleurs...
Produire et entretenir:
produire sans s'approprier, agir sans rien attendre, guider sans contraindre, voilà la vertu primordiale. Lao-Tseu |
Comme le soulignent Karel Čapek, Michel Serres et son ami américain Robert Harrison, on doit donner à la terre plus qu'on ne lui prend et c'est en lui fournissant des éléments nutritifs de qualité que les plantes seront saines, suffisamment résistantes pour se défendre efficacement et nous donner des aliments de qualité.
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Epicure, aussi bien que Thalès et Sénèque conseillaient de vivre selon la nature. La nature demande peu
écrivait se dernier. Et l'homme devait se contenter des nécessités face aux désirs. Ainsi, Sénèque rapporte le conseil qu'Epicure donna à Idoménée qui désirait enrichir Pythoclès; Si tu veux enrichir Pythoclès, n'ajoute rien à son avoir, retranche à ses désirs.
evenir à la simplicité dans le jardinage nous conduit à utiliser des outils manuels et à abandonner les engins mécaniques que l'on connait aujourd'hui; en effet et bien qu'ils soient utiles pour un grand jardin, ils nous asservissent par des obligations de maintenance, d'alimentation en carburant, des démarrages bien souvent laborieux, et en fin de compte nous rendent dépendants; mais surtout ils nous séparent de l'objet travaillé, du rythme du jardin jalonné par le travail de la terre précédant les semis et les plantations et des actions que nécessitent les attentions et menus gestes que l'on doit au respect de la nature et qui nous mettent en harmonie avec elle.
C'est aussi adopter une méthode de jardinage, au plus près des phénomènes naturels tel le "BRF" dont l'esprit est de reproduire au jardin les phénomènes présents dans les sous-bois, méthode simple et ne nécessitant qu'un broyeur.
L'idéal serait, comme le conseillait le docteur Carton, de jardiner pieds nus et surtout que le jardinage soit un exercice physique plaisant en profitant de celui-ci pour en faire un exercice, par ex. en se concentrant dans cette activité et en n'hésitant d'émietter une motte de terre manuellement pour en ressentir ses qualités, sa finesse, sa granulométrie et sa richesse en humus.
ujourd'hui, la philosophie est enseignée comme les autres matières et représente un savoir nécessaire pour l'obtention d'un diplôme ou, généralement pour l'enseigner d'une manière théorique et encyclopédique.
Lorsque l'on se penche sur les écrits philosophiques, on peut se rendre compte que cette science est un éternel retour, qui a chaque révolution, se pare de nouveaux atours et de nouveaux liens pour devenir des concepts qui l'enrichissent mais lui font perdre leur simplicité première réduite quelquefois en une sentence pour devenir un livre de plusieurs centaines de pages.
Déjà Plotin, écrivait au début du second quart de notre millénaire: Nos discours n'ont rien de nouveau, et ils ne sont pas d'aujourd'hui, mais ils ont été dits, il y a déjà longtemps, toutefois sans être développés, et nos discours de maintenant ne sont que les exégètes des anciens discours; ce sont les écrits de Platon lui-même qui nous assurent que les théories sont anciennes.
La philosophie n'est point un art d'éblouir le peuple, une science de parade: ce n'est pas dans les mots, c'est dans les choses qu'elle consiste. Elle n'est point faite pour servir de distraction et tuer le temps, pour ôter au désœuvrement ses dégoûts; elle forme l'âme, elle la façonne, règle la vie, guide les actions; montre ce qu'il faut pratiquer ou fuir, siège au gouvernail et dirige à travers les écueils notre course agitée. [...] Elle déterminera en nous une obéissance volontaire à Dieu, une opiniâtre résistance à la Fortune; elle t'enseignera à suivre l'un, à souffrir l'autre.
a Philosophia, "Amour de la sagesse", est selon Pierre Hadot, un mode de vie enseigné par un "sage" qui à travers son discours tente d'imprégner ses élèves de cette sagesse par des exercices "question/réponse" afin d'aboutir à un point où quelquefois seul le silence est sa traduction. Ces discours et les entretiens étaient une thérapie de l'âme- bien avant que nous arrive M. Freud!- ce qui faisait dire à Epicure Car jamais il est trop tôt ou trop tard pour travailler à la santé de l'âme.
auquel Sénèque ajoutait: Le discours qui s'emploie à la guérison des âmes doit pénétrer tout l'homme: les remèdes ne profitent que s'ils réjournent quelque temps. ... Apprivoisez les monstres qui m'épouvantent, calmez les passions qui m'irritent, dissipez mes erreurs, refrénez mon luxe, gourmandez ma cupidité. Rien de tout cela peut-il se faire à la course?
Cette thérapie s'accompagnait de pratiques spirituelles afin d'obtenir la paix intérieure; c'était donc un choix de vie qui exigeait une conversion pour vivre en conformité avec ce choix.
Ici, l'homme heureux n'est pas l'homme qui sait, mais qui pratique.
Ce retour sera d'après ce philosophe, rien d'autre que l'accès à son véritable moi, c'est à dire retour à l'esprit qui nous fera vivre selon ce dernier.
e jardin était situé hors de la ville d'Athènes et c'est Sénèque qui nous rend compte de l'inscription appliquée à son entrée et de la philosophie qui y était enseignée: "Passant, tu feras bien de rester ici; ici le suprême bonheur est la volupté!" il sera obligeant le gardien de cette demeure, hospitalier, affable; c'est avec de la bouillie qu'il te recevra; l'eau te sera largement versée; et il te demandera si tu te trouves bien traité. "Ces jardins,
dira-t-il, n'excitent pas la faim, ils l'apaisent; ils n'allument pas une soif plus grande que les moyens de la satisfaire: ils l'éteignent par un calmant naturel et qui ne coûte rien. Voila dans quelle volupté j'ai vieilli."
Dans ce jardin, le principal sentiment qui y était développé était l'amitié; Cicéron écrira: Epicure dit de l'amitié que, de toutes choses que la sagesse nous procure pour vivre heureux, il n'y a rien de supérieur, de plus fécond, de plus agréable que l'amitié. Et il ne s'est pas borné seulement à le déclarer, il l'a confirmé dans sa vie, par ses actes comme par ses moeurs. Dans la seule maison d'Epicure, une toute petite maison, quelle troupe d'amis rassemblés par lui, unis de sentiments par quelle conspiration d'amour.
Bien que le jardinier-philosophe se suffise à lui-même, il donne à celle-ci une grande importance. Malgré tout, si elle lui manque, il ne le regrette pas. Si le sage se suffit, ce n'est pas qu'il ne veuille point d'amis; c'est qu'il peut s'en passer; et quand je dis qu'il le peut, j'entends qu'il en souffre patiemment la perte.
Et s'il est abandonné de tous, Il sera comme Jupiter qui ... se recueille absorbé dans ses propres pensées.
et comme Sénèque le faisait lui-même, il ira chercher dans les livres des auteurs dont il deviendra l'ami.
Il n’est bien tel que le bien d’amitié.
a philosophie enseigne à faire, non à parler: ce qu'elle exige, c'est que tous vivent d'après sa loi; que la vie ne démente pas les discours et que la teinte de toutes nos actions soit une. Voilà le premier devoir de la sagesse et son plus sûr indice: la concordance du langage avec la conduite, et que l'homme soit partout égal et semblable à lui-même. [...] Une fois pour toutes, fais choix de la règle où l'ensemble de ta vie doit s'adapter.
[...]
Nul ne s'inquiéte de bien vivre; on cherche à vivre longtemps; tandis que bien vivre est loisible à tous, et vivre longtemps à personne.
ui était mieux placé que Nietzsche, lié à l'Eternel retour, pour reprendre plusieurs siècles après les paroles de Sénèque: Ne crois pas que ces maximes appartiennent en propre à Epicure: elles sont à tout le monde.
uelque soit le parcours emprunté, la sagesse est un sentiment universel où seuls les façons de l'exprimer sont différentes compte-tenu des personnalités, de leur sensibilité, des cultures et du sens donnés aux mots.
Séparés en partie de la nature sauvage, les jardins où ne sont que quiétude, art et beauté, sont associés à la sagesse et apportent la paix favorable à sa recherche.
Celle-ci ne s'apprend pas, n'est pas le résultat d'un quelconque apprentissage ou recherche intellectuelle et n'est pas quantifiable; elle se présente, fruit de l'initiation, de l'éthique et de la transcendance, de la lente transformation de la personne qui, une fois entamée se poursuit et nous entraîne vers ce qui a de meilleur. Les philosophes tentent de s'en approcher par l'application dans leur vie et le travail de l'esprit sans toutefois l'atteindre.
Quand on sait qu'on est parvenu au terme, il n'y a plus qu'à le savourer et y goûter le plaisir. C'est celà qu'on appelle la sagesse, cette saveur qu'on a su trouver peut-être aimée pour elle-même; c'est là la philosophie, c'est là qu'il faut s'arrêter.
La sagesse est un mode d'être; le sage ne peut dire s'il est sage et aucun d'entre eux ne s'est attribué ce qualificatif. Dans son enseignement, Socrate comme le taoïste "ne savait rien" et tentait de faire surgir à leur interlocuteur, une réflexion sur lui-même, un questionnement auquel il ne s'attendait pas, un hapax en minuscule afin de lui faire prendre conscience de sa propre identité ou de trouver en lui-même la réponse.
t Marc Aurèle dira: Il faut être de ceux qui font le bien inconsciemment
, c'est à dire atteindre le "non-agir" des taoistes!
Son savoir n'est pas la possession d'informations sur la réalité mais il est étroitement lié à la vertu de l'âme.
Il a une égalité d'âme, c'est à dire heureux quelques soient les circonstances, s'adapte à toutes les situations. "La cohérence avec soi et la permanence dans l'identité.... caractérisent le sage stoïcien, car la sagesse consiste à toujours vouloir et toujours ne pas vouloir la même chose." Il se suffit à lui-même sans le superflu et est selon Platon, celui qui a le moins besoin d'autrui. Il n'est dépendant que du besoin.
Le sage ne manque de rien, et pourtant beaucoup de choses lui sont nécessaires: rien au contraire n'est nécessaire à l'insensé, qui ne sait faire emploi de rien, et tout lui manque.
Le sage se suffit quant au bonheur de la vie, mais non quant à la vie elle-même. [...] Le sage a besoin de mains, d'yeux, de mille choses d'un usage journalier et indispensable, mais rien ne lui fait faute; autrement il serait esclave de la nécessité: or il n'y a pas de nécessité pour le sage.
et Quel trésor nous attend si, quelque jour, de cette fange nous nous élevons à la hauteur sublime du sage, à cette tranquilité d'âme et, toute erreur bannie, à l'absolue indépendance! Cette indépendance, quelle est-elle?" Ne craindre ni les hommes ni les dieux, ne vouloir rien de honteux, rien d'immodéré, exercer sans limites la royauté de soi-même. Inestimable bien que celui de s'appartenir!
Et selon ce même, seul l'homme de bien, calme et tempérant pourra être seul avec lui-même car dans bien des cas, il serait trop près d'un méchant.
DE RIEN N'A PEUR QUICONQUE EN DIEU SE FIE.
LE SAGE SEUL MESPRISE LA FORTUNE.
Le vrai bonheur ne cherche pas à l'extérieur ses éléments: c'est en nous que nous le cultivons; c'est de lui-même qu'il sort tout entier.
our plusieurs, ce n'est pas que la vie leur semble amère, c'est qu'ils ont trop de la vie.
Sénèque
Le bonheur repose sur le malheur,
le malheur couve sous le bonheur, qui en connaît le terme? Le monde n'a pas de normes, car le normal peut se faire anormal et le bien peut se transformer en monstruosité. Lao-Tseu
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Se vêtir de robes brodées et multicolores,
ceindre des épées tranchantes, se rassasier de boire et de manger, posséder des richesses en abondance, tout cela s'appelle vol et mensonge et ne relève pas du Tao. Lao-Tseu |
Minerve chassant les vices du jardin de la vertu - Andrea Mantegnaaint-Augustin définit le bonheur comme le résultat de la sagesse alors qu'Aristote le trouve dans la "vie selon l'esprit", la vertu et l'indépendance à l'égard d'autrui et des choses matérielles. C'est l'esprit qui est notre moi, en tant qu'il représente ce qui décide et ce qui est le meilleur.
Franche de mort est la seule Vertu
Vertu meilleure que richesse.
Le bonheur ne dépend pas d'autrui, de la richesse matérielle et des choses extérieures mais est à rechercher en chacun de nous. Selon Platon, il est dans la suffisance à soi-même, l'autosuffisance et l'équilibre chez J.J. Rousseau tandis que les stoïciens le trouvaient dans la vertu, ce qui fera dire à Sénèque: Fais toi heureux toi-même; et tu seras, si tu reconnais pour vrai biens ceux qu'accompagne la vertu, et pour déshonnête tout ce à quoi la méchanceté s'allie.
Epicure le vantait dans la suppression des désirs et inséparable du plaisir, Descartes dans le contentement de l'âme, Spinoza dans le fait de comprendre et d'agir, d'autres dans l'accomplissemnt d'eux-mêmes.
Devant chaque évènement, deux positions existeront pour atteindre l'ataraxie, le détachement et la prise en compte que du bon côté des choses.
Je suppose que les raisons affichées par ces différents philosophes sont les facettes d'une seule pierre taillée et qu'il appartient à chacun de découvrir celle qui le satisfasse pleinement et d'en ajouter par l'étude et l'approfondissement de chacune de ces facettes.
La cause profonde est sans doute la purification de l'âme qui, revenant à sa nature et à sa source, apporte du fond de l'être, harmonie, quiétude et cohérence; en retrouvant la conscience sans obstacle de la vie primordiale, chacune de nos actions si insignifiantes et banales soient-elles devient un plaisir constant qui donne ce bonheur simple et tranquille: celui d'être sur terre!
Il est certain qu'il provient également de l'autonomie complète de l'individu qui n'attend rien, ni d'autrui, ni de la vie, n'étant jamais à la merci des aléas par son adaptation totale à ces derniers, ainsi que par la liberté acquise par son action personnelle pour subvenir aux premières nécessités de la vie: nourriture, toit, dont il a pris la charge pour n'être tributaire du super-marché, tout comme un peuple suffisant à sa conservation reste indépendant de toute conquête mercantile extérieure et pour les autres en restant le maître de ses choix et en les adaptant strictement à ses besoins.
Pour la philosophie, sans Epicure, ni Sénèque à nos côtés, beaucoup de textes antiques sont accessibles sur le web et les bibliothèques sont aptes à nous fournir des ouvrages qui feront notre bonheur.
Pour une vie heureuse, soyons autonome, non seulement psychologiquement mais aussi matériellement dans notre vie quotidienne, ce qui peut également se faire pour notre moyen de déplacement et en prenant en charge notre santé, le bonheur étant en lui-même le meilleur médicament naturel, en nous maintenant en activité, en nous ouvrant aux autres, les relations amicales étant une autre cause de bien-être.
Si quelque désir surgissait parmi les êtres
au cours de la transformation du monde, je les maintiendrais dans la limite au fond sans nom. Le fond sans nom est ce qui ne doit avoir aucun désir. C'est par le sans-désir et la sérénité que l'univers se règle lui-même. Lao-Tseu
Les désirs et convoitises sont les plaies de la vie
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Qui sait se contenter
évite toute insulte. Qui sait se refréner prévient tout épuisement. C'est ainsi qu'on peut vivre longtemps. Lao-Tseu
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Il n'y a pas de plus grand crime
que d'approuver ses désirs. Il n'y a pas plus grand malheur que de ne pas savoir se contenter. Il n'y a pas de plus grosse erreur que de vouloir obtenir toujours. Ainsi celui qui sait se contenter est toujours content. Lao-Tseu
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Sénèque citera encore Athénodore qui écrivait: Tiens-toi pour affranchi de tout mauvais désir, quand tu en seras au point de ne demander rien au ciel que tu ne puisses lui demander à la face de tous.
et il ajoutera: Car aujourd'hui, ô comble du délire! les plus honteuses prières se murmurent tout bas dans les temples; si quelqu'un prête l'oreille, on se tait; et ce qu'on ne voudrait pas que l'homme sût, on le raconte aux immortels. Veille à ce qu'on te rappelle point cette maxime préservatrice: vis avec les hommes comme si Dieu te voyait; parle à Dieu comme si les hommes t'entendaient.
Libéré de la chaîne sans fin des désirs qui ne pourront jamais combler le puits sans fond de l'âme, obstacles majeurs à l'ataraxie de l'être, le non-désir apporte légéreté, bonheur, contentement et faculté de vivre pleinement l'instant présent.
Apulée à qui on reprochait de vivre pauvrement comme si c'était un déshonneur répondit: Si vous étiez autant philosophe que vous êtes riche, vous comprendriez que c'est moi qui suis riche dans ma pauvreté et que vous êtes pauvre avec toutes vos richesses. Car celui-là a beaucoup qui désire peu; ne voulant que peu, il a autant qu'il veut.
SUFFISANCE. et SUPERFLU INUTILE.
Les philosophes d'aujourd'hui, tels Robert Misrahi et Michel Onfray, tous deux adeptes de la liberté et du bonheur, assurent que les désirs, le premier, qu'ils sont une preuve de vie, le second, qu'ils font parties des pulsions. Je pose alors la question : "Sommes nous libres si nous sommes sous le joug des désirs et être heureux lorsque nous sommes dans l'attente hypothétique de leur réalisation?"
La preuve première de vie est d'agir et principalement pour assurer les premières nécessités de la vie qui seules, sont inévitables.
Le souverain bien c'est une âme qui méprise les événements extérieurs et se réjouit par la vertu.
Qu'est donc le bien? La science. Qu'est-ce que le mal? L'ignorance. L'homme éclairé dans l'art de vivre sait rejeter ou choisir, selon le temps. Mais il ne craint point ce qu'il rejette, il n'admire point ce qu'il choisit, s'il a l'âme grande et invincible. ... Ne pas refuser le travail est trop peu: implore le. "Mais quel est le travail frivole et superflu?" Celui où t'appellent des motifs peu nobles. Il n'est pas mauvais par lui-même, pas plus que le travail consacré à de nobles choses, parce que c'est là proprement la patience de l'âme qui s'excite aux rudes et difficiles entreprises, qui se dit: "Pourquoi languir? Est-ce à un homme à craindre les sueurs?" Joins à l'amour du travail, pour que la vertu soit parfaite, une égalité de vie soutenue et conforme en tout à elle-même, accord impossible sans le bienfait de la science, sans la connaissance des choses divines et humaines. Voilà le souverain bien: sache le conquérir, et tu deviendras le compagnon des dieux, non plus leur suppliant. ... Elle est sûre, elle est pleine de charmes, la route pour laquelle t'a approvisionné la nature.
Selon Michel Onfray, L’hédonisme d’Anaxarque (…) faisait résider le souverain bien dans l’impassibilité, la capacité de ne pas se laisser affecter par le monde, ses petitesses et ses mesquineries.
orsque l'on traverse la grande moitié nord de la France, hormis les régions de montagne, que ce soit en long, en large ou en travers, nous constatons que la variété des paysages n'existe plus et, quelques soient les régions, leurs caractéristiques géographiques et humaines qui faisaient leurs charmes ont été abolies et se sont réduites à de mornes plaines que seuls des plissements de terrain, des silos et des structures modernes et industrielles modèlent ça et là.
ux mots de Kant: Mais nous croyons pouvoir affirmer ... que le beau artistique est supérieur au beau naturel, parce qu'il est un produit de l'esprit. L'esprit étant supérieur à la nature, sa supériorité se communique également à ses produits et, par conséquent, à l'art.
, j'opposerais la parole du professeur Pierre-Paul Grassé qui déclare: Bien qu'il soit démodé d'admirer les machines animales et végétales- sans doute est-ce faire une injure au génie humain que d'admirer ce à quoi il ne participe pas?- je persiste à penser que les réalisations de l'Homme si réussies soient-elles n'atteignent pas la perfection de celles que la vie produit.
Dans le jardin, entre nature et objet d'art, le jardinier est un créateur; son activité est associé à un travail artistique à part entière et la contemplation de l'œuvre créée au sein du paysage, au même titre qu'un tableau. Mais peut-on comparer une oeuvre vivante à celle, qui malgré sa perfection, n'est que matière morte voulant reflèter la vie?
Contempler ces choses, les étudier, s'y consacrer, s'y absorber, n'est-ce pas dépasser la condition mortelle et avoir accès à une condition supérieure? Quel profit, me dis-tu, pourras-tu tirer de tes études? S'il en a pas d'autre, certainement celui-là: je saurai que tout est petit, lorsque l'on a pris la mesure de Dieu.
Sénèque cité par Pierre Hadot.
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Pantaleo Carabellese défendit dès 1944 la contemplation esthétique contre l'usage et la consommation comme des buts en eux-mêmes
et Rosario Assunto ré-écrivit le mythe de la Genèse en interprétant l'Eden comme la réunion du beau et de l'utile. En mangeant le fruit défendu, Adam et Eve préfèrèrent la consommation à la contemplation de l'arbre de la Connaissance, le péché originel se perpétuant à chaque fois que l'homme choisit de détruire la nature pour son exploitation et où le remplacement de la nature par des espaces verts pourrait trahir son refus de toute nostalgie pour cet état idéal dans lequel n'avait pas encore été sanctionné le divorce entre l'utilité destinée à la consommation, encourageant à la production, et la beauté, dans laquelle la contemplation s'alimente elle-même et se contente d'elle-même.
Le plus grand bonheur, à mes yeux ... avant de retourner bien vite là d'où nous vînmes, c'est d'avoir contemplé sans trouble ces êtres augustes: le soleil qui brille sur tous, les astres, l'eau, les nuages, le feu. Qu'on vive cent ans ou peu d'années, toujours ce même spectacle s'offre à nos yeux et jamais on n'en verra un autre qui soit plus digne d'hommage.
Ménandre cité par Pierre Hadot.
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Contempler, ce n'est pas seulement se fondre dans un paysage du haut d'un point élevé, c'est aussi regarder le monde de plus haut et reconnaître la futilité des conflits pour quelques kilomètres de frontière ou pour mettre la main sur des richesses éphémères alors qu'aujourd'hui, c'est la préservation de la vie dans toute la diversité des hommes et des êtres qui devrait être but de chaque nation.
ci, partager l'expérience du jardin se résume à échanger ses produits et expériences agricoles; au Japon et en Chine où le jardin occupe une place centrale dans la "culture du soi " par la pratique des arts, il est commun d'échanger l'expérience thérapeutique et spirituelle qu'apporte la pratique du jardinage.
Dans notre monde technocratique où le sms a valeur de modernité, les échanges philosophiques ou épistolaires sont devenus "le chemin le moins fréquenté". Alors, le jardinier se fait l'ami virtuel des écrivains et poètes, philosophes et érudits jardinistes- ou vice-versa- qui, par l'intermédiaire de leurs ouvrages, le mène, par des voyages immobiles, dans le passé, à des visions anciennes du monde éclairant la folie du nôtre. La philosophie le rend témoin des motivations des hommes qui, après plusieurs millénaires n'ont guère changées quant à leur convoitise et leur avidité malgré les progrès techniques qui nous ont rendu les tâches moins fastidieuses. Malgré tout, notre monde moderne, lente descente aux enfers, possèdent encore plusieurs sages qui réveillent des consciences propres à s'insurger, à réagir, à s'indigner et à concevoir des sociétés et des actions en harmonie avec ce qu'il y a de plus humain en nous: la coopération, la simplicité et la tolérance.
Ce mouvement de retrait mené par l'esprit, conforme au jardin, ont amené nombre de lettrés à s'y retirer; il n'est pas dû à une quelconque misanthropie mais à un mouvement lié à la nature qui aime à se cacher, nous libèrant des servitudes et désirs inutiles afin qu'il ne reste que celle de la nécessité sans qu'elle en soit un esclavage, pour une vraie vie, belle et généreuse.
Ainsi le philosophe n'est pas à l'abri des difficultés car dans sa démarche il est le plus souvent seul. Comme le dit Pierre Hadot: Le philosophe éprouve cruellement sa solitude dans un monde déchiré par deux inconsciences: celle que provoque l'idolâtrie de l'argent et celle qui résulte de la misère et de la souffrance de milliards d'êtres humains. [...] Philosopher, ce sera donc souffrir de cet isolement. Mais la philosophie antique nous apprend aussi à ne pas nous résigner, mais à continuer d'agir raisonnablement et à nous efforcer de vivre selon la norme qu'est l'idée de la sagesse, quoi qu'il arrive, et même si notre action nous parait limitée.
Nous pourrrons dire alors, comme les colibris de Pierre Rabhi, "je fais ma part." et comme Marc-Aurèle: que ce qui résulte de cette petite chose n'est précisément pas une petite chose!
Une autre solution adoptées par les sages taoïstes et autres étaient de se retirer entièrement du monde tout en laissant leur porte ouverte à tout pélerin passant par cet endroit.
L'oeuvre une fois accomplie, retire-toi:
Lao-tseu
telle est la loi du ciel.
Cette forme de retrait du monde est enseignée dans la Grèce antique par Pyrrhon qui recherchait la solitude et restait neutre face à toutes les situations, ne les sachant ni bonnes ni mauvaises et ne voulant les juger, ce qui lui permettait de vivre toujours égal à lui-même, impassible et dans un état qu'il considérait comme divin.
Il s'agit de dépouiller totalement l'homme
dira-t-il et Pierre Hadot ajoutera: ... de se libérer totalement du point de vue humain....Ne veut t-elle pas dire que... le philosophe transforme complétement sa perception de l'univers, dépassant le point de vue de l'humain trop humain, pour se hausser à une vision d'un point de vue supérieur, vision en quelque sorte surhumaine, qui révèle la nudité de l'existence, au-delà des oppositions partielles et de toutes les fausses valeurs que l'homme lui ajoute, pour atteindre peut-être à un état de simplicité antérieur à toutes les distinctions?
Un état d'innocence et de détachement équivalent aux dieux d'Epicure mais aussi au Dieu chrétien, n'intervenant pas dans la conduite des hommes et les états du monde.
Pyrrhon fut probablement influencé par les gymnosophistes qu'il rencontra en Inde, ayant accompagné Anaxarque dans la campagne d'Asie d'Alexandre le Grand; ce détachement à l'égard des autres étant chez les hindous aussi lié par l'idée du karma propre à chaque individu que ce dernier doit vivre et supporter.
Même l'empereur Marc-Aurèle exprimera son sentiment d'impuissance face à l'incompréhension et l'inertie de ses sujets.
ous venons de visiter les abords du monde et la base de notre humanité, de l'infiniment petit à l'infiniment grand, de son origine à nos jours , en liant "le Ciel et la Terre", sans dogme, sans autre soutien que notre expérience, sans autre miracle que la nature produit sous nos yeux et une nouvelle appréciation de notre condition- sans la quitter, les pieds bien sur terre.
Arrivé à ce point, j'exprime ma reconnaissance- bien maladroitement- à Edith de la Héronnière dont les pages du "labyrinthe de jardin" ont été un révèlateur car elles expriment avec tant de justesse et d'humanité, la "substantifique moelle" du parcours labyrinthique, ainsi qu'à Marco Martella, directeur de "Jardins" qui par sa revue, amorça ma réflexion. Je n'oublierais pas Danielle Duport dont l'ouvrage exprime si bien l'accord entre les travaux des champs, la philosophie stoïque vécue au quotidien et le bonheur rustique qui s'y rattache, et tous ceux, écrivains, poètes et philosophes- dont Pierre Hadot- qui, par leurs écrits et leur érudition, m'ont ouvert les yeux sur le plus beau et le plus caché des univers, celui du jardin.
Je remercie les éditions Klincksieck et du Sandre qui m'ont autorisé à utiliser les écrits d'Edith de la Héronnière et de Theodor Cérič pour illustrer cette page.
"Aujourd'hui, l'homme s'est coupé du Ciel et de la Terre et de sa nature propre ne correspond plus à la nature au sein de laquelle il vit. Pis, cela lui est égal. Face à la nature polluée par les technologies, instruments des technocraties mises en place par des humains de type matérialiste et utilitaire, l'homme moderne s'avère battu-cocu-content... Et il ne reste plus aux poètes qu'à laisser s'écouler la plaie de leurs états d'âme, de leurs difficultés d'être."
Daniel Giraud- Ivre de Tao
Christian Bobin
Par l'ombre du labyrinthe nous sommes entrés dans le jardin, armés de notre seule volonté et de notre raison; par eux nous avons vaincu nos peurs et nos craintes, puis c'est en se reflétant dans la nature que notre âme s'est purifiée et de même comblée, elle peut maintenant se voir en elle, protégée par cet enclos qui nous sépare de l'animal, en pleine lumière.
Nous voici conduits sans vain détour, au fond de ce dernier par une allée royale; sans doute, cette visite a-elle été encore trop rapide et trop brève mais nous avons entrevu sa signification car grâce au "fabuleux réseau" qu'est le labyrinthe, ainsi défini par Sophie Chiari, il a permis, à celui ou à celle qui s'y frayait un passage, d'échapper aux lois et aux carcans d'un microcosme social, politique et culturel nécessairement oppressant au quotidien
car nous en ressortons riches de nous-même, de la création, de nos expériences, de notre liberté et de notre foi en la pérennité de la vie.
Voir également Eden et le symbolisme du jardin
Mais poursuivons notre visite, voyons maintenant les jardins allégoriques, propres à imager l'unité retrouvée.