ous connaissons peu de choses sur les jardins des origines de Rome, si ce n'est par de nombreux écrivains qui regrettent les jardins de jadis destinés à nourrir le peuple et qui étaient donc des jardins de subsistance.
Lors de leurs conquêtes du bassin méditerranéen, de l'Asie et de l'Europe, les Romains prennent possessions de nombreux territoires et installent des villas, domaines de quelques hectares à plusieurs centaines, cultivés par des esclaves affranchis ou non, dont la principale fonction sera d'approvisionner les troupes romaines en place.
A ce moment, par l'apport de nouvelles plantes venues des pays colonisés, un nouveau concept voit le jour et le premier jardin qui se crée est celui de Lucullus, soixante ans avant J.C.
Ces jardins bénéficient de l'influence héllène pour les architectures, celles d'Egypte et de Perse. Mais les Romains, comme nous l'avons vu précédemment conservent la nostalgie des premiers jardins de Rome. Cependant les transformations économiques favoriseront la grande culture et les nouvelles conquêtes apporteront le goût de construire les demeures dans de véritable cadre champêtre.
Alors de nombreux jardins apparurent à Rome; Pompée, Scipion, C. Cassius et César, et d'autres riches Romains eurent le leur sur la rive droite du Tibre. Ces jardins de familles patriciennes et de généraux enrichis par les butins ramenés des pays conquis, devinrent le symbole du pouvoir et de la puissance politique et rivalisèrent dans ce domaine comme dans d'autres. Les empereurs Caligula et Néron dépouillèrent ces familles pour leur prétention et les utilisa pour agrandir leur propre prestige et pour en signifier leur caractère exclusif.
César comprit le rôle que jouaient ces jardins dans l'imaginaire politique car ils étaient associés à l'Orient et aux victoires des généraux vainqueurs qui avaient souvent crée ces jardins. Il fit connaître son intention de léguer ses jardins au peuple de Rome.
Après la chute de la république, les empereurs continuèrent cette politique en se faisant céder des jardins qu'ils agrandissaient.
Caligula avait faire construire un cirque dans les jardins de sa sœur Agrippine; son sucesseur Claude fut poussé par Messaline à s'approprier les anciens jardins de Lucculus devenus possession de Valerius Asiaticus qui fut contraint au suicide.
Chez les Romains, des figures de satyres protégent des maléfices le foyer et le jardin primitif, et Pline emploie l'expression satyrica signa pour désigner les Priapes capables de porter la récolte chez le voisin. Mais Pierre Grimal pense que cette expression s'applique à toute une catégorie de dieux protecteurs dont Priape est le plus connu.
Les Lares d'origine étrusque, devinrent chez les Romains les protecteurs du domaine. Le Lar agrestis et le Lar familiaris ne sont pas sans rapport avec le Priape, le dieu du jardin et le Lar prit peu à peu place dans le cortège donysiaque avec une corne d'abondance et un rhyton, ce qui le fait ressembler à un "Dionysos jeune". Des inscriptions l'assimilent à Sylvain, comme lui, divinité agreste et fécondante.
"Ce qui surabonde dans l'idée du Lare, écrit Hild, c'est l'idée du gardien des hommes et de tout ce qui assure leur bien-être" c'est à dire gardien des hommes et de leurs biens les plus chers: le foyer et l'heredium, le vieux jardin nourricier.
Sur les fresques des sanctuaires domestiques de Pompéi, nous les voyons successivement peints dans l'atrium et le tablinum, puis dans le viridarium et le péristyle. Ceci pourrait-être aussi la résurrection d'une pratique plus ancienne. Toujours est-il que les Lares sont toujours dans des cadre campagnards. Rappelons que l'atrium est la survivance urbaine de l'atria, la cour primitive et que le véritable milieu du Lar, n'est pas la maison mais la campagne.
Alors que l'on habita moins la campagne, les Lares prirent la direction de la ville, se détachant de plus en plus du jardin.
Ce nouveau venu, dieu ithyphallique, originaire de Lampsaque d'où il s'était répandu en Asie mineure et dans le monde grec, arriva dans les jardins romains et recouvrit un culte phallique plus ancien, celui de Mutunus Tutunus que l'on pratiquait sur la Velia
petite colline entre le Palatin,
l'Esquilin et le Champ de Mars,
arasée sous l'empire romain
pour y construire le forum de Trajan. et celui des Lares comme protecteur des jardins. Il avait le prestige d'être oriental et d'appartenir au cortège donysiaque. Sa religio est observée par les affranchis et les esclaves pour qui la religion officielle est trop abstraite; il ira ainsi enrichir les mystères du jardin. Dans les poèmes alexandrins, c'est un dieu qui peuple la campagne; il personnifie la fécondité et est associé aux puissances souterraines. Son culte est lié à celui des morts et fut, avant de devenir le protecteur des jardins, celui des tombeaux, protecteur du défunt lui-même. Ce caractère ne pourra prendre la place qu'occupent Lares et Pénates
divinités étrusques puis romaines
gardiennes du foyer. et il sera mis au jardin dont la religio était jusque là imparfaite et confuse.
Cependant celui-ci ne sera pas toujours pris au sérieux par les poètes et Tibulle en fera un épouvantail contre les voleurs et les oiseaux, et les paysans qu'un moyen simple pour éloigner les maraudeurs.
Plaute fait de Vénus, la déesse des jardins, sans nous donner d'explication. Selon Varron, c'est une déesse d'origine italique qui était une incarnation de la fécondité, chargée de veiller sur les fruits et sur les vignes. On célébrait en son honneur les vinalia, fête des vignerons et des jardiniers. Ce culte de la Vénus paysanne persista puis fut assimilé au culte féminin de la fécondité et à celui, notemment de Libitina assocée aux rites funéraires, union des morts et des forces de la nature, devint déesse de l'amour et intégra ainsi les dieux et déesses typiquement romains.
Alors que la Vénus paysanne s'évanouit dans le temps, Flora, déeese sabine, arrive à Rome, introduite par Titus Tatius, avec sa fonction: "Florae, quae rebus flore scendis praeest ". Ce culte archaïque adopté par les Romains montre combien leur religion était ancrée dans les croyances naturalistes attachées aux jardins, vergers et potagers.
Son nom montre qu'elle était la force fructifiante faite déesse. Sous Pline, elle est peu distincte de Vénus; il lui attibue la garde de la vigne et de l'olivier que Varron met sous la protection de Vénus et de Priape. A l'époque de Virgile, elle n'est plus qu'une nymphe des jardins de "l'âge d'or" et son culte continua sporadiquement à se célèbrer dans les municipes italiens.
Ces cultes disparaîtront peu à peu par le discrédit que subira le jardin rustique, remplacé par les jardins de plaisance, artificiels et stériles. Malgré tout, leurs créateurs essaieront d'en garder l'atmosphère religieuse et campagnarde. Ces derniers jardins ne seront jamais acceptés sans regret par rapport à l'ancien Hortus.
'hortus du temps des origines de Rome, humble terre nourricière est célébrée par Pline qui regrette que de son temps, la nourriture des Romains soit devenue tributaire des pays conquis et alimente leurs besoins superflus.
[...] A Rome le jardin était le champ du pauvre. C'était du jardin que le peuple tirait ses provisions; et combien cette frugalité épargnait de maux! Mais sans doute il vaut mieux se plonger dans les abîmes de la mer, aller choisir les huitres au risque du naufrage...[...] N'est-on pas aller imaginer une différence même dans les herbes? Et la richesse n'a t-elle pas fait une distinction dans un mets qui ne se vend qu'un as? Là encore il y a des productions qui ne sont pas accessibles au peuple des tribus; il y a des choux tellement engraissés que la table du pauvre ne peut les contenir. La nature avait voulu que les asperges fussent sauvages, afin que chacun les cueillit partout: mais voilà des asperges cultivées, et Ravenne en produit dont trois pèsent une livre. Ô prodige de la gastronomie! (...] Autrefois le peuple de la ville, entretenant à ses fenêtres des espèces de jardins, présentait aux yeux une image continuelle de la campagne, avant que des brigandages horribles d'une multitude innombrable eussent forcé à grillager tous les jours des maisons. Qu'on accorde donc aux jardins quelque honneur, et que ces choses, pour être communes, n'en soient pas loins estimées, d'autant plus que de grands personnages y ont pris des surnoms: dans la famille Valéria, les Lastucinus ne se sont pas crus déshonorés por devoir le leur à la laitue. Peut-être aussi notre travail et nos efforts trouveront-ils quelque gré, Virgile lui-même ayant avoué qu'il est difficile d'ennoblir par le langage des objets si petits.
[...]
Le jardin doit être annexé à la maison de campagne, cela n'est pas douteux; et il faut l'avoir aussi arrosé que possible par l'eau d'une rivière, s'il en est une qui baigne, sinon par l'eau d'un puits tirée à l'aide d'une roue, d'une pompe ou d'une bascule.
Suivent des conseils de culture et de division du jardin en planches.
Pour Caton l'ancien, le bon citoyen romain était avant tout un bon agriculteur ou un bon colon et Columelle s'élevait contre le fait que le peuple dépende des terres conquises pour son approvisionnement en blé et en vin: Nous avons abandonné la faux et la charrue pour aller nous établir dans l'enceinte des villes, et (Varron reprochait déjà à nos aïeux) les mains qui applaudissent dans les théatres et les cirques laissent reposer les guerets et les vignobles.
Caton nous apprend dans son "Economie rurale" que dans la banlieue de Rome peut-être plantés des vergers de cognassiers, poiriers, vigne, oliviers, cormiers, noisetiers, noyers.
Dans ces jardins et selon la saison, on y cultive des fèves, de l'épeautre, des artichauts, des choux que Caton nomme "le premier des légumes", de différentes salades (chicorées, laitues), des blettes, des poireaux, des navets, des courges, des concombres, des oignons, des melons, de l'ail et des plantes dont on mange les feuilles (mauves, arroche...), des plantes condimentaires et aromatiques comme le myrte, le laurier et peut-être des plantes médicinales.
enant des temps archaïques, la religio des bois sacrés attribuait à un dieu ou une déesse, un bois, un bosquet et plus tard un arbre lorsque les bois auront disparu au profit de l'urbanisation de Rome. Il en ait ainsi du figuier Ruminal et Varron écrit:
Il y a le bois de Méfitis et celui de Junon Lucine, dont l'étroitesse ne saurait étonner. Il y a beau temps que l'avidité est divinisé.
A cette époque, il ne restaient de ces bois que des lieux-dits; certains résistèrent, impropres à l'urbanisation ou éloignés des villes mais furent alors envahis par des nomades ou des négociants et perdirent ainsi leur caractère sacré.
Malgré tout, même s'il ne restait qu'un seul arbre du bois antique, un minimum de "religion" lui restait attaché et partout dans Rome subsistaient des arbres isolés: un ilex au Vatican, d'un ancien culte étrusque, devant le temple de Vulcain, un micocoulier et au temps de Pline, un unique loto provenant du bois sacré de Junon Lucine, tandis que le Ruminal était transporté sur le Forum.
Cependant un renouveau se fit jour sous l'influence grecque et on demanda aux parcs et à tout ce qui pouvait évoquer la nature, d'être conforme à un paysage naturel, sans le caractère sauvage des premiers bois sacrés quelquefois impénétrables mais intouchables. Ce renouveau se fit uniquement dans les sanctuaires mineurs par la colonie sémite du Trastevere qui y installa des cultes orientaux. Les bois furent embellis, agencés; ainsi, le vieux lucus disparut pour laisser place à la mode orientale.
les Romains s'inspirant des paysages et reliefs hellénistes créent dans leurs jardins des paysages sacrés comparables à ceux des peintures et l'Almateon des jardins d'Atticus est resté célèbre. Il était ombragé de platanes et M. Constans, dans son édition des Lettres de Cicéron pense que le terme de τοποθεσια employé par cet auteur désignait un décor d'arbres, de parterres, de portiques autour d'un sanctuaire.
- alors que ce mot désigne en grec un "tableau géographique."
De même, ils créeront des nymphées près des sources et aménageront des grottes artificielles, des rocailles, des guirlades de végétation avec des scènes mythologiques.
Nous retrouverons ces paysages sacrés autour des laraires où sont présentés des paysages idylliques souvent d'inspiration dionysiaque. Lorque celui-ci est au jardin, il se fait aedicula qui se rattache aux heroa et qui dans certains péristyles se transforme en "pseudo-aedicula
peudo-aedicula
avec statue
de Jupiter.", c'est à dire en niche, non pas creusée dans un mur mais construit en maçonnerie, autre forme de la grotte artificielle...
Dans le péristyle d'une villa de Pompéi on a retrouvé le sanctuaire domestique constitué par un autel auprès duquel poussait un arbre sacré.