Rudyard Kipling
es jardins de curés tels qu'on se les représente couramment sont clos de murs, comportent des fleurs, des plantes médicinales, des légumes disposés dans un carré traversé par deux allées en croix qui définissent quatre parcelles entourées de buis taillés, le centre occupé par un bassin ou une croix; ce jardin, dérivé de l'hortus conclusus du Moyen-Age deviendra à partir de la Révolution, selon les formes que leur imposeront le terrain, le curé ou le jardinier, un jardin ordonné en planches et ce n'est que dans l'esprit que ces jardins pourront être différenciés de ceux à la seule vocation vivrière.
Dans le jardin conventionnel, les bordures sont de buis.
Ce type de bordure qui fournissait le buis pour les Rameaux mais nécessittant un entretien pénible peut être remplacé par de la santoline.
Ce jardin avait plusieurs buts: fournir un minimum de subsistance au locataire du presbytère, fournir des fleurs pour orner l'autel, pouvoir se retirer loin des préoccupations ordinaires, méditer ou même accompagner un paroissien en quête de conseils.
Beaucoup de plantes dont le nom rappelelait un saint, un personnage biblique ou une particularité associée à une figure religieuse pouvaient être cultivées.
u IVe siècle, période où sont fondées les paroisses, certaines par les évêques qui nomment directement le curé, d'autres par les habitants, propriétaires de domaines ou monastère qui nommeront le curé sur proposition d'un candidat d'une assemblée villageoise, seigneur ou supérieur de monastère qui exerce un droit dit de collation.
Au Xe siècle, les monastères établissent des paroisses sous leur dépendance qui sont à l'origine des prieurés.
Les églises sont dotés d'un patrimoine dont les revenus sont destinés à couvrir les frais du culte et à l'entretien du curé; ils sont constitués par les offrandes des fidèles, les cérémonies tarifées, les bénéfices immobiliers et la dîme; celle-ci correspond au dixième des productions ou des revenus.
Le droit de collation deviendra de plus en plus complexe, auquel s'adjoindra la "résignation par faveur" par laquelle un curé pourra transmettre son bénéfice et sa charge à un ecclésiastique de son choix. Ainsi le curé sera désigné sous ce terme malgré sa dénomination officielle qui en sera différente: abbé, prieur, prieur-curé, vicaire, etc.
A la veille de la Révolution, seules les paroisses dépendant de l'évêque ou d'un seigneur laïc ont leur autonomie matérielle si elles n'ont pas été inféodées. Dans les autres, les biens sont restés dans les mains du curé "primitif" et les vicaires nommés par celui-ci reçoivent "la portion congrue" dont le taux est fixé par le roi. A cette période, tous se plaignent, les uns à cause des mauvais payeurs de la dîme, les autres à cause de la hausse des prix.
Dans cette conjoncture, le jardin qui est annexé au prebytère est indispensable; cette tradition est importante pour le bénéficiaire car le jardin lui permet de garnir sa table par des légumes absents des marchés locaux, d'économiser et peut procurer des revenus complémentaires par la vente de ses produits.
Plan du jardin du presbytère de Melay- Maine-et-Loire- en 1791.
a Révolution va bouleverser la vie des paroisses; l'abolition des privilèges supprime la dîme, le casuel et les bénéfices, sources de revenus des prêtres. Lors de la nationalisation des biens du clergé, l'Assemblée nationale décide en contrepartie, l'obligation de l'Etat de leur verser un salaire et de leur assurer un logement. La Constitution civile du clergé prévoit avec les décrets que sera compris un jardin d'au moins demi-arpent mesure du roi, soit environ 25 ares.
Pour réduire les salaires, le nombre de cures est restreint et les presbytères sans curé sont vendus comme biens nationaux; ils persistent cependant s'ils accueillent l'école ou le siège des municipalités nouvellement institués.
Quelquefois, les paroisses se retrouvent avec deux curés, l'un constitutionnel qui reconnaît la nouvelle nation, l'autre, réfractaire, fidèle au pape Pie VI qui condamne cette loi, n'ayant pas été consulté.
L'état appauvri par la guerre civile et celle de la Première Coalition destinée à renverser la République ne peut respecter ses engagements et instaure la séparation de l'Eglise et de l'Etat.
Les municipalités devenues propriétaires des lieux, transforment les presbytères en mairies ou écoles et aussi au gré des situations, de tribunal, d'hospices ou de prisons, ou selon les événements, de logements pour les gardes nationaux ou des armées partant à la défense de la nation.
Quant au jardin, il reste le refuge du curé et est souvent cultivé par le gardien ou l'instituteur; il peut être loué ou acquis par un notable villageois.
e Concordat assurera avec l'accord du nouveau pape Pie VII une nouvelle constitution pour le clergé; une carte des paroisses est établie par l'évêque avec l'accord de l'Etat, en considérant les données politiques, géographiques et démographiques.
Selon les communes, un vicaire ou chapelain, ou un curé est nommé à la tête de la paroisse qui, par coutume, seront tous qualifiés par les fidèles de "curé"; celui-ci reçoit un salaire attribué généralement par l'Etat, plus exceptionnellement en ce qui concerne les chapelles par un établissement public, la "fabrique". Cette dernière ou la commune sont les propriétaires des églises et des presbytères; elles ont obligation de loger les prêtres mais non, celle de fournir un jardin; cependant l'administration encourage les communes à faire les dépenses pour en fournir un à l'occupant du presbytère.
Au premier Empire est crée dans chaque paroisse un domaine presbytérial où en général un jardin est compris. Les presbytères à construire en prévoit de même et les plans types nous montrent des jardins aux allées rectilignes ou le rectangle remplace le carré du Moyen-Age. Ils sont placés généralement à l'arrière de la maison, précédés d'une cour et est un ainsi un lieu préservé pour le curé. Lorsque les presbytères sont sans jardin, son occupant le réclamera afin de le faire vivre ainsi que les vicaires qui, quelquefois, sont adjoints au curé.
Il est en effet, à cette époque, une nécessité matérielle et la gestion des lieux demande un certain nombre de domestiques: une servante mais aussi un jardinier et souvent quelques ouvriers agricoles pour les soins aux chevaux et l'exploitation agricole que constitue une cure villageoise. C'est aussi au XIXe siècle que de nombreux curés se tournent vers l'apiculture comme source de revenus et ainsi améliorent leur quotidien.
Ce jardin servira à de nombreuses activités. Il pourra servir de refuge pour méditer, lire bréviaire et donner les leçons de catéchisme. Quelquefois aussi, il servira de terrain de lutte entre le maire et le prêtre, reflétant ainsi les luttes politiques au sommet du pouvoir. Les conflits seront également nombreux avec l'instituteur ou l'école laïque mais aussi, concernant les droits d'usufruit du curé car la réglementation n'avait rien prévu.
a loi de séparation des Eglises et de l'Etat mettra un terme aux difficultés rencontrées en ne reconnaîssant, ni salariant, ni ne subventionnant les cultes. Les bâtiments sont administrés par des "associations cultuelles" et les prebytères reviennent aux communes qui peuvent en user librement.
L'application de cette loi déclenche un conflit religieux violent entre le gouvernement et l'Eglise car cette dernière craint une spoliation suite à la rédaction d'inventaires des biens paroissiaux. A cette bataille des inventaires, suivra celle des expulsions.
Clémencerau et Briand laissent les Eglises s'organiser hors de tout cadre réglementé et les associations gèrent les dons et les revenus provenant des fidèles. Dans certaines communes, le curé reste dans son presbytère comme locataire; s'il en est chassé, il loue une maison.
Après la guerre de 1914-1918, les vocations commencent à diminuer et les fidèles n'ont plus les moyens d'être généreux. L'exode rural accentue les difficultés.
Peu à peu, les presbytères seront vendus ou affecter à d'autres fins; ainsi les verra t-on, transformés en recette des impôts, centre culturel ou toutes autres activités nouvelles encouragées par les communes.
partir du XVIIe siècle, plusieurs curés dont l'éducation était supérieure, de par leur formation, à de nombreux citoyens, se sont illustrés dans les sciences naturelles, botanique, arboriculture, apiculture, phytothérapie, etc.
'abbé Jean-Roger Schabol est né à Paris en 1690, fit ses études jusqu’en Sorbonne et s'attacha aux causes jansénistes. Il est nommé supérieur des clercs, préfet des catéchismes et directeur des écoles de la paroisse Saint-Laurent par le Cardinal de Noailles jusqu'à la mort de celui-ci. Il se consacre alors au jardinage sa passion qu'il pratique à Sarcelles dans la maison de campagne de son père. Ses travaux le font connaître et des Puissants font appel à lui pour entretenir leurs jardins et leurs potagers. Le Roi lui accorde un entretien en 1762 et le charge de s’occuper des jardins de son château de Choisy-le-Roi. Ce sera un échec et il sera remercié.
Comparant la plante et l'homme, sa méthode consiste à appliquer certaines techniques médicales, saignées, scarification, pansements, ligatures, bandages, cataplasmes ou autres cautères aux branches et aux arbres malades. Désirant transmettre son savoir, son ouvrage Dictionnaire pour la théorie et la pratique du jardinage et de l’agriculture par principes et démontrées par la physique des végétaux parait à Paris en 1767. Il n'aura pas le temps d'écrire la suite car il meurt le 9 avril 1768. Son ouvrage La Pratique du Jardinage largement remanié par Antoine-Nicolas Dezallier d’Argenville paraîtra en 1770 et La Théorie du Jardinage en 1771.
’abbé Edme Mariotte, né vers 1620 à Dijon, connu comme physicien était aussi un botaniste qui étudia le fonctionnement des végétaux. Il exposa ses idées dans des "Essais sur la végétation des plantes". Il s’intéressa à la circulation de la sève et affirma que les plantes n'avaient pas d'âme.
L'abbé François Rozier, également agronome, curé sans vocation, deviendra à Lyon, professeur de botanique et de médecine en 1761. Il y réalise un grand jardin botanique et devient, en 1765, directeur de l’enseignement.
Il fera paraître le Cours complet d'agriculture théorique, pratique, économique, et de médecine rurale et vétérinaire qui restera un modèle pour des publications de dictionnaires par d'autres auteurs du XIXe siècle.
L'abbé Nicolas-Jean Boulay, né le 11 juin 1837 à Vagney deviendra professeur de botanique, licencié ès sciences naturelles. Il finira sa vie comme professeur de botanique à l'Université catholique de Lille, docteur ès sciences naturelles. Ses travaux porteront d'abord sur l'étude des Rubus puis sur la distribution des Mousses en France et sur le Terrain houiller du Nord de la France et ses végétaux fossiles.
L'abbé Hippolyte Jacques Coste, né près de Balaguier-sur-Rance fit paraître de 1900 à décembre 1906, sa Flore de France où étaient comprises les plantes herborisées par son ami l'abbé Joseph Soulié; elle sera complétée de 1972 à 1990 par Paul Jovet, Roger de Vilmorin et Michel Kerguélen. Cet ouvrage est encore l'ouvrage de référence de nombreux botanistes.
Le chanoine Paul-Victor Fournier, botaniste et naturaliste, fera paraître Les quatre Flore de France plusieurs fois éditées et Le livre des Plantes médicinales et vénéneuseqs de France en trois volumes.
L'abbé Pierre Frémy, né à Lessay le 13 juillet 1880 fut d'abord professeur de mathématiques puis s'orienta vers les sciences naturelles et la botanique. Dans ce domaine ses études portent principalement sur les algues bleues. Il fut l'une des premières victimes du bombardement de Saint-Lô par les américains en juin 1944.
Noël Chomel, agronome et encyclopédiste français, est l'auteur du "Dictionnaire œconomique, contenant divers moyens d'augmenter son bien, et de conserver sa santé". lire
C'est au séminaire de Saint-Sulpice à Paris, où il fut chargé de gérer les biens de la communauté au château d'Avron près de Vincennes qu'il prendra gout à l'agriculture et qu'il se liera avec Jean-Baptiste de La Quintinie, jardinier de Louis XIV.
L'abbé Chomel sera ensuite envoyé à Lyon comme curé de la paroisse de Saint-Vincent où en 1709 il fera éditer son dictionnaire.
'abbé Louis-René Leberriays ou Le Berriays est né à Brécey dans le Calvados, le 31 mai 1722. Issu d'une famille de cultivateurs propriétaires de leurs terres, il étudie au collège d'Avranches puis la philosophie à celui de Vire; il termine ses études littéraires à quatorze ans et part à Paris chez son grand-oncle, le père Biseault qui lui enseigne la théologie. Peu motivé par la chose ecclésiastique, il se borne à recevoir les premiers ordres.
Après être devenu précepteur, il se tourne vers l'agriculture, le jardinage et l'arboriculture. Il obtiendra avec Jean Le Chevalier une variété de poire nommée la Louise-bonne d'Avranches. Pour le Jardin des plantes d'Avranches il rassemblera 800 espèces et près de 2 400 plantes. Collaborateur de Duhamel-Dumonceau, il publira son "Traité des jardins, ou le nouveau de la Quintinye" qui dit-on, servira de modèle à son célèbre "Traité des arbres fruitiers". L'abbé Berriays meurt sur ses terres du Bois-Guérin près d'Avranches où il avait pris sa retraite, le 7 janvier 1807.
Certainement les plus nombreux, des ecclésiastiques apiculteurs observèrent le monde des abeilles et plusieurs d'entre eux furent les concepteurs de nouvelles ruches tel les abbés Emile Warré, Jean-Baptiste Voirnot, Louis Sagot et Delépine son collègue. D'autres, tels que les abbés Collin, Beau, Boissy, Bouguet, Babaz, David, Delaigues, Duquesnoy, Della-Rocca, Duquesnoys, de la Ferrière, etc... furent chacun, les auteurs d'ouvrages d'apiculture.