Marc-Alain Ouaknin cité par Bertrand Vergely - Retour à l'émerveilement.
den signifie "délice" en hébreu; ce mot existe également en sumérien et signifie "steppe, campagne", en akkadien, edenu, steppe ou désert, ce qui n'évoque pas un lieu de délices! Les Sumeriens appelaient Edin la plaine de Babylone.
Il pourrait aussi dériver de l'assyri-araméen adàn, faire prospérer.
paradis, du vieux Persan "paradaiza" ou "apri-daeza" qui donna en grec "paradeios" et "paradisus" en latin, "pardes" en hébreu et en chaldéen.
Constatons la ressemblance linguistique avec le "paradêsha" sanscrit.
a genèse est probablement une version d'une première histoire véhiculée et transformée lors des migrations des peuples, légende contant des lieux et les origines mythiques de l'homme.
Elle peut être aussi le fruit de l'assemblage de plusieurs légendes originaires des mythologies babylonienne, assyrienne, indienne et autres, et ses rédacteurs en exil à Babylone n'ont fait qu'assembler des récits pré-existants pour en former un nouveau qui présente bien des contradictions et à la lumière des sciences modernes, des impossibilités, voire des aberrations.
Nous en retrouvons des éléments dans l'épopée de Gilgalmesh, l'arbre de vie, le serpent qui empêche le héros d'accéder à l'immortalité et le déluge qui met fin aux humains, laquelle épopée est issue de plusieurs autres récits mythiques, mais aussi du zoroastrisme issu de mazdéisme, lui même issu des textes védiques, dont le seul dieu est le dieu créateur et le dualisme "bien/mal", une de ses caractéristiques. On y trouve également l'arbre de l'immortalité appelé Gaokerena. Ainsi avec les cultes de l'arbre très vivants et universels dans l'Antiquité, les rédacteurs de la Genèse ont créé deux arbres, l'un de vie, l'autre mortel pour l'homme par la connaissance du bien et du mal.
Il est à noter que dans la tradition, le figuier- et non le pommier- est cet arbre dont il ne faut manger le fruit et que celui-ci est, selon les peuples et ses croyances, l'arbre impur.
Pour Wilner, cet arbre était un grenadier. lire
Il était facile à Babylone et ses jardins, de transposer le mot "pardes", jardin des rois, en "eden" qui donnait une image plus éloquente du jardin dans lequel avaient été placés Adam et Eve.
Quant aux quatre fleuves, les Perses plaçaient le berceau de l'humanité sur une montagne où coulait une source céleste entretenant l'arbre de vie qui se divisait ensuite en quatre fleuves et l'on peut voir sur une miniature persane, le jardin dont les eaux se dirigent dans la direction des quatre points cardinaux.
Cette légende est aussi à l'âge d'or de l'antiquité grecque où l'homme vit en toute innocence et du Satya Yuga dans les textes védiques et hindouistes.
L'homme crée à l'image de Dieu, était immortel, et destiné à cultiver la terre: "L’Éternel-Dieu prit donc l’homme et l’établit dans le jardin d’Eden pour le cultiver et le soigner."
Etant immortel, l'homme n'avait nul besoin de cultiver la terre; sans descendance il était condamné à vivre seul à perpétuité; ce "paradis" ne serait-il pas devenu un enfer?
Il reste donc à la race humaine de se parfaire et pour atteindre suffisamment de sagesse pour créer en son esprit un jardin qui soit un véritable Eden, ce en quoi il pourra prétendre au bonheur.
Dans les différents paradis des mythologies indiennes, brahmaniques et chinoises, on trouve comme dans la genèse, des arbres de la science ainsi que quatre fleuves issus d'une source commune. Ces quatre fleuves arrosent les quatre directions géographiques et sont en relation à tout un système dont le chiffre quatre est la constante.
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'Éternel-Dieu planta un jardin en Éden, vers l'orient, et y plaça l'homme qu'il avait façonné.
Ce jardin que l'on croyait situé au Moyen-Orient fut l'un des plus représentés.
Saint-Justin, Saint-Clément d'Alexandrie, Tertullien et bien d'autres affirmèrent son existence. Brunetto Latini le situa clairement en Inde. Ce mythe était si ancré que, jusqu'au XVIe siècle, on le rechercha. Saint Augustin, Saint Thomas d'Aquin et même Luther confirmèrent sa réalité. Christophe Colomb, lors de son troisième voyage alors qu'il croyait avoir atteint l'Orient, et qu'en réalité il était aux abords de l'estuaire de l'Orénoque, pensa qu'il était parvenu à proximité du paradis terrestre.
On rechercha alors le paradis sur les lieux nouvellement découverts; avec l'Eldorado on crut touché au but mais le trouvant rien, on supposa, comme Luther, que le paradis terrestre avait disparu avec le déluge.
A partir de cette supposition, la recherche ne se fit plus par des voyages mais par l'étude des cartes, de la linguistique, des déplacemnts du peuple hébreu et des légendes circulant ça et là dans les différentes régions de l'Inde, Moyen-Orient et Europe centrale.
En 1691, le Père Daniel Huet de l'Académie française faisait éditer un traité sur la situation du paradis terrestre qui sera une référence de l'époque pour les chercheurs de paradis. Il défendait que l'Eden n'était pas le nom d'un jardin mais celui d'un lieu géographique qu'il situa sur le cours commun du Tigre et de l'Euphrate jusqu'à la division du fleuve lorsqu'il se jette dans le golfe persique. Puis il plaça le paradis sur la rive orientale du fleuve. C'est Bossuet qui le présenta au roi.
Les recherches archéologiques d'aujourd'hui rendent caduques ses conclusions.
Au XVIIIe siècle, comme le montre la carte ci-dessus éditée en 1700, donne les situations possibles de l'Eden mais toutes peuvent être fautives car aucune ne répond à la description complète qui en est faite dans la Genèse.
Ernest Renan le rechercha au Pamir car il se demanda si le mot "Eden" n'était-il pas le nom du royaume d'Oudyâna, que l'on traduit par "parc ou du jardin" que les Hébreux auraient sémitisé en Odan, Oden, Eden, tout comme les Perses avaient changé Airyana en Iran. Enfin, M. Stanilas Julien a très joliment remarqué qu'en Oudyâna se rattachent les plus anciennes traditions religieuses et les plus vieilles légendes du Brahmanisme. On racontait que le nom d'Oudyàna venait de ce qu'il y avait eu là, autrefois, le parc ou jardin d'un monarque tourneur de roue, et au faît d'une montagne escarpéee, la présence de sources jaillissant dans la forêt, d'un mélange de fleurs charmant la vue et de l'arbre de vie Kalpatarou. D'autres parlaient d'une très haute montagne avec un lac à son sommet, une fontaine, un dragon et qu'un grand fleuve y prenait naissance. Mais tous s'accordaient pour vanter l'abondance des raisins, des cannes à sucre et des parfums de cette contrée, ses forêts à végétation vigoureuse et l'exubérance de ses fleurs et de ses fruits, et même ses tourbillons de pluie et de neige mêlées, brillants de cinq couleurs semblables à des nuages de fleurs qui volaient dans l'air.
Au XIXe siècle, JBF Obry, linguiste orientaliste, dans une remarquable étude du mythe de la Genèse, montre son origine possible et son évolution à partir des sources indiennes jusqu'en Mésopotamie. Il démontre que le Pamir avec ses quatre fleuves se répartissant dans les quatre directions avec les légendes qui s'y rapportent, pourrait en être son point de départ. Le nombre de fleuves auraient été gardé pour maintenir la tradition des fleuves associés aux quatre points cardinaux. A l'origine, aucun fleuve est nommément désigné dans la Genèse! Il montre aussi les confusions entre des pays de même nom qui aurait conduit plusieurs exégètes à choisir le Nil comme fleuve paradisiaque.
Ainsi, une mythologie originelle transmise par tradition orale, puis passant d'un peuple à l'autre au cours des âges et des migrations, a pu se poursuivre, chaque peuple ou groupe y apportant des modifications selon le pays dans lequel il se trouvait en changeant le nom des fleuves, donnant au texte une évolution dans le temps mais aussi suivant la géographie, de nouvelles croyances et des nouvelles conditions.
Enfin, Teilhard de Chardin écrivit: il n'existe pas le moindre vestige à l'horizon, pas la moindre cicatrice, indiquant les ruines d'un âge d'or où l'amputation d'un monde meilleur.
Ce qui lui value d'être mis à l'index!
En quelques siècles, étant donné l'impossibilité de le situer, on aura proposé la Mésopotamie, l'Arménie, la proximité de la lune, l'Egypte, l'Ethiopie, le Brésil, le pôle Nord, sous l'équateur, au cœur de l'Amérique du sud, la Palestine, la Syrie, l'île de Ceylan, les Indes, le troisième ciel et jusqu'à Hesdin que l'on décrypta comme une déformation du mot "Eden", et pourquoi pas la ville de Houdan, comme l'écrit, malicieusement, le Père Huet.
On peut également consulter
'Éternel-Dieu fit surgir du sol toute espèce d'arbres, beaux à voir et propres à la nourriture; et l'arbre de vie au milieu du jardin, avec l'arbre de la science du bien et du mal. Un fleuve sortait d'Éden pour arroser le jardin; de là il se divisait et formait quatre bras. Le nom du premier: Pishôn; c’est celui qui coule tout autour du pays de Havila, où se trouve l’or. L’or de ce pays-là est bon; là aussi le bdellium et la pierre de chôham. Le nom du deuxième fleuve: Ghihôn; c’est lui qui coule tout autour du pays de Kouch. Le nom du troisième fleuve: Hiddékel; c’est celui qui coule à l’orient d’Assur; et le quatrième fleuve était le Phrat.
sidore de Séville précise au VIIe siècle, que le froid et la canicule y sont inconnus et que son accès est interdit à l'homme par la présence d'un mur de feu qui monte jusqu'au ciel.
Au IXe siècle, Moïse Bar-Kepha, évêque de Mossoul, affirme que le paradis terrestre est situé à l'est, à une altitude très élevée et que de là proviennent toutes les eaux qui irriguent le monde.
Honoré d'Autun assure de même que l'Asie commence à l'Orient par le paradis, c'est à dire un lieu exceptionnel en raison de toutes sortes d'agréments, mais inaccessible à l'homme et entouré d'un mur de feu qui monte jusqu'au ciel. L'arbre de vie y est toujours présent et donne l'immortalité à quiconque peut en manger et il ajoute: En outre, naît ici une source qui se divise en quatre fleuves. Ceux-ci s'enfouyissent dans le sol du paradis, mais refond surface loin ailleurs.
Quant à Pierre Lombard, le paradis se trouve dans la partie orientale du monde, séparé par un large espace de terre ou de mer des régions qu'habitent les hommes, et il est situé à une altitude atteignant le cercle de la lune, si bien que les eaux du déluge ne parvinrent pas jusqu'à lui.
Quant à saint Thomas d'Aquin, il le place en un lieu tempéré, mais plus prudent, soit sous l'équateur, soit ailleurs.
Jean de Joinville, biographe de saint Louis, raconte lors de la septième croisade en compagnie du roi, qu'aux abords du Nil, fleuve venant du paradis terrestre:
"Avant que li fluns n'entre en Egypte, les gens qui ont acoustumé à ce faire, gietent leur roys desliées parmi le flum au soir; et quant ce vient au matin, si treuvent en lour royz cel avoir de poiz que l'on aporte en ceste terre, c'est à savoir gingembre, rubarbe, lignaloey et canele. Et l'on dit que ces choses viennent de Paradis terrestre; que li venz abat des arbres qui sont en Paradis, aussi comme li venz abat en la forest en cest païs le bois sec..."
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Au XIVe siècle, Jean de Mandeville nous enseignera que le Paradis est la plus haute terre du monde, et est en Orient au commencement de la terre. Et est si haute qu'elle touche bien le cercle de la lune... mais que celui-ci est enclos tout d'un mur... qu'il n'y a qu'une entrée qui est enclose de feu ardent...
Le cardinal Pierre d'Ailly dont l'ouvrage Imago Mondi fut annoté par Christophe Colomb, ajouta : Les eaux qui descendent de la montagne très élevée forment un très grand lac qui, comme d'une source principale, découlent, croit-on, les quatre fleuves du paradis: le Pishôn, c'est à dire le Gange; le Guihôn qui n'est autre que le Nil, le Tigre et l'Euphrate, bien que leurs sources paraissent se trouver en divers lieux.
Des exégètes, selon une approche allégorique, le plaça au troisième ciel parmi les sept ciels que comptait alors la cosmologie médiévale, sorte de salle d'attente des âmes en voyage vers le Royaume du ciel; c'est ainsi que le purgatoire fut créé, chemin balisé vers le septième ciel!
Le jardin du paradis clos, sa fontaine de vie et les quatre fleuves donnèrent au Moyen-Age plusieurs figures de jardins:
- l'hortus conclusus, image du symbolisme marial qui servit aussi de cadre à l'Annonciation;
- le cloître des monastères dont la forme carrée nous ramène au chiffre quatre;
- le jardin médiéval organisé autour d'une fontaine centrale et dont les allées en croix symbolisent les quatre fleuves du paradis;
- les jardins d'amour tel celui du "Roman de la rose", de l'île de Cythère dans le "Songe de Poliphile" où les nymphes font "honneur à Cupidon, leur maitre"
Cependant des hommes croient encore à l'Eden, soit en le transférant dans l'allégorie qui offre une multitude d'interprétations, ce qui permet d'éviter la réalité des mots, soit encore en affirmant que le déluge a transformé la géographie des lieux- encore faudrait-il démontrer que l'arche de Noé ait pu contenir tous les animaux de la terre y compris ceux d'Amérique et d'Australie, sans oublier insectes et oiseaux et que le grand navigateur ait put les nourrir durant plusieurs mois....
Malgré tout, les trois religions monothéistes issues d'Abraham affirment que le texte ne peut-être interprété et qu'il est la seule vérité tangible. Si l'homme descend du singe, nul doute que certains le sont de l'autruche... ou encore de la taupe!
ante Alighieri, né à Florence en mai 1265 est considéré comme le plus important poète italien. Mais aussi écrivain et homme politique engagé avec les partisans de l'autonomie de Florence contre le pouvoir papal qui veut contrôler la ville; ils sont vaincus et Dante est condamné à l'exil. Ses biens seront confisqués et il ne reviendra plus dans sa ville natale. Il meurt à Ravenne le 14 septembre 1321.
Pour en savoir plus lire
a Divine Comédie nous conte le parcours initiatique de l'auteur en compagnie de Virgile vers la rédemption.
Pour conter ce parcours Dante s'est inspiré de l'Énéide et de l'Apocalypse de Paul; il utilise la langue vulgaire florentine et non le latin comme il est d'usage à l'époque, car il juge qu'aucune langue n'est supérieure à une autre et que le latin est une langue artificielle.
C'est l'un des plus importants témoignages de la civilisation médiévale et est tenue pour l'un des chefs-d'œuvre de la littérature.
J’en souffrais mal l’aspect, mais assez cependant pour voir étinceler les éclats qu’il jetait comme le fer ardent qu’on sort de la fournaise. On eût dit que le jour multipliait le jour, comme si tout à coup Celui qui peut tout faire avait mis sur le ciel deux soleils à la fois. |
ontrairement à son Enfer où Dante est extrêmement prolixe, il donne peu de détails sur le Paradis. Nous saurons qu'il se situe au sommet de la montagne du Purgatoire, que la lumière y est resplendissante, que c'est un lieu fermé, couvert de fleurs aux parfums enivrants mais les âmes ne sont pas là pour des jouissances sensorielles mais pour contempler celles parvenues à la sainteté et à la confusion avec Dieu et la transformation des formes pures dans un cadre spiritualisé.
Celui-ci est arrosé par deux fleuves, le Léthé et l'Eunoé.
crite à la suite de la "Sepmaine", "la seconde semaine"- L'enfance du monde- parue en 1584, reproduit tout comme la première partie de l'œuvre en vers sous forme d'épopée, la création de l'Eden jusqu'au "jour de Noé"; Guillaume du Bartas n'a pu, par sa mort, terminer son projet qui englobait toute l'histoire humaine jusqu'au Jugement dernier, de l'Eden au paradis céleste.
L'auteur rassemble dans celle-ci tout le savoir encyclopédique de la Renaissance et se fait défenseur du géocentrisme de la terre. Il en arrive à décrire le Paradis terrestre selon son idéal poétique mais aussi en "jardiniste" baroque et raffiné. lire
aradise Lost raconte la tentation d'Adam et Eve par Satan et de leur expulsion du jardin d'Eden; il est largement considéré comme le chef-d'œuvre de John Milton et un des plus grands poèmes épiques de la littérature. L'épopée a inspiré d'autres poétes comme Alexander Pope, William Wordsworth, John Keats et même Mary Shelley, la créatrice de Frankenstein; elle a aussi influencé le travail de Percy Bysshe Shelley et William Blake qui en a illustré une édition. lire
Dans son ouvrage "Les jardins", Delille prend l'Eden comme modèle des jardins anglais, à la mode au XVIIIe siècle.
Aimez donc des jardins la beauté naturelle |
Variaient, suspendaient, prolongeaient leur plaisir.
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'est dans son ouvrage "la faute de l'abbé Mouret" qu'Emile Zola, l'auteur des Rougon Macquart, décrira le "Paradou", anciens parc et jardins d'un château incendié et abandonné. Les différentes parties de ce lieu seront décrites au fil des promenades que les personnages, Sabine et Serge, feront avant la faute sous "l'arbre de la connaissance". Ce lieu sera traversé par quatre ruisseaux, conforme au récit de la génèse.
Dans ce roman, la nature et les personnages se mettent à l'unisson pour nous faire découvrir l'état d'ame et son évolution par lesquels agissent les deux amants au cours de leurs promenades. lire
Le jardins des délices de Jérôme Bosch
Jacopo Bassano | Lucas_Cranach_l'Ancien | Roelandt_Savery | Pierre Paul Rubens | Jacob Adriaensz Backer |
François Boisrond | Olga Guyot | Eden de à retrouver! | Chantal Bietlot | Henry Dampierre |
Sofi Bollack | Raphaël Toussaint | Pierre Maxo | Marc Chagall | Geneviève Jost |
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