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Les jardins d'agrément

Les sources disponibles

Aucun jardin de la Renaissance ne subsiste en France; tous ont été remplacés par des jardins à la française au XVIIe siècle puis par des jardins à l'anglaise ou paysagers et les historiens n'ont à leur disposition que des pièces d'archives et les ouvrages édités à cette époque:
- "Les plus excellents bastiments de France" de Jacques Androuet du Cerceau, sans contestation, le plus important de ces ouvrages qui apporte par la précision de ses planches ce que pouvaient être les jardins des châteaux à la Renaissance;
- "Le Thresor des parterres de l’univers, contenant les figures et pourtraits des plus beaux Compartimens, Cabanes, et Labyrinthes des Jardinages, tant à l’Allemande qu’à la Françoise. Avec la maniere de les construire, compasser et former dextrement. Descripts en Latin, François, Allemand et Anglais" distingué en trois livres par D. Loris B. docteur et medecin ordinaire de Son Altesse de Montbeliard.
- "Theatre des plans et jardinages, contenant des secrets et des inventions incognuës à tous ceux qui jusqu’à present se sont meslez d’escrire sur cette matiere." de Claude Mollet;
- "Le théâtre d'agriculture et mesnage des champs" d'Olivier de Serres.
- Les écrits que des visiteurs ont laissés lors de leur passage dans ces jardins;
- "Les raisons des forces mouvantes" de Salomon de Caus qui nous renseigne sur le fonctionnement des mécanismes utilisés dans les grottes et, du même auteur "Le jardin palatin" qui décrit les jardins du château d'Heidelberg;.
- les ouvrages étrangers qui, comme chez nous, décrivaient les jardins Renaissance dans leurs pays.

Quelques distingués jardinistes de la Renaissance

Jacques IerAndrouet du Cerceau
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On le désigna comme dessinateur jusqu'en 1887, date à laquelle Henry de Geymüller établi qu'il était l'auteur des jardins de Charleval, Verneuil et Montargis. Plans, vues aériennes sont assortis de légendes d'une précision remarquable, ce qui veut dire que le dessinateur connaissait toutes les subtilités des aménagements, les dénivellations naturelles et artificielles depuis le château jusqu'aux cours d'eau, les compositions des carreaux, etc.... Aujourd'hui ses planches et ses relevés sont d'une valeur inestimable. Cependant il faut bien noter qu'à cette époque, artistes, architectes et jardiniers travaillaient de concert et qu'il est difficile d'attribuer la réalisation des jardins à une seule personne.

Philibert Delorme
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Créateur des jardins d'Anet, il est surtout connu comme architecte du château que Catherine de Médicis se fait construire aux Tuileries. Il est probablement, un des participants créateurs des jardins de Chenonceaux et le personnage désigné sous le surnom de "M. de Saint-Germain" ou "architecte françois qui se faisoit quasi appeler le dieu des maçons et des architectes". Il peut avoir été le père des fabriques de jardins et projets de rotonde et tour hélécoïdalegravure en rocher publiés au XVIIe siècle mais est attesté que Delorme bien avant Le Bernin utilisait la simulation de la roche naturelle pour ses oeuvres rustiques, ce qui lui permettra par cette technique, de passer à la postérité.
Ennemi intime de Ronsard, ce dernier se plaint plusieurs fois dans ses poèmes qu'un maçon soit mieux récompensé et plus riche qu'un poète.

Olivier de Serres
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Bien qu'il n'est créé aucun jardin, Olivier de Serres est inséparable de son oeuvre "Théâtre d'agriculture et mesnage des champsgravure" qui le rendit célèbre et dans lequel un long chapitre est consacré aux jardins. Depuis sa première édition en 1600, ce traité d'agronomie en connaîtra vingt-quatre autres. Il s'appuie sur les auteurs antiques mais aussi et surtout sur ses expériences qu'il mènent dans sa propriété du Pradel; de là sortiront les méthodes d'agriculture qui deviendront des pratiques courantes: assolement triennal, sélection des semences, labours profonds....
Cet ouvrage s'inscrivait dans la politique d'Henri IV qui, après des décennies de guerres civiles, tentait de relancer l'activité agricole par le retour à une paix durable et des lois protectrices des paysans.
Les chapitres consacrés aux jardins sont au nombre de quatre dont la dernier semble avoir été ajouté au dernier instant. En effet , on constate que dans un premier temps l'auteur décrit le jardin d'agrément tel qu'il est dit dans "La maison rustique" puis dans le dernier ce sont des parterres tels que créés par Claude Mollet dans ses créations pour le roi, plus simples et donnant une place prépondérante au buis qui remplacent les plantes utilisées au paravant pour les bordures.

Claude Mollet
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Tout comme les familles Desgots et Le Nôtre, Claude Mollet fait partie d'une dynastie de jardiniers qui au long des siècles participeront à l'évolution des jardins et créront ceux de la noblesse au fil des royautés.
Jacques Mollet, le plus ancien des membres de cette famille connu fut le jardinier de Charles de Lorraine à Anet en Normandie, père de Claude qui travailla avec son père aux jardins de ce château et avec lequel il se forma. Claude travaillera ensuite avec Etienne du Pérac avant d'être appelé et promu jardinier du roi par Henri IV. Après le saccage des Tuileries par les soldats, avec Pierre Le Nostre et André Tarquin il fut chargé de créer de nouveaux parterres aux Tuileries où il resta jusqu'à la fin de ses jours vers 1649. Son fils Claude fut son principal collaborateur. En 1595, Henri IV lui confia la réalisations des jardins du Château-Neuf de Saint-Germain dessinés par Du Pérac, les jardins de Montceaux et ceux de l'étang de Fontainebleau. Il est l'auteur du "Théatre des plans et jardinages" qui sera publié à titre posthume.

Jacques Boyceau de la Barauderie
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Homme de guerre dans un premier temps, il s'attacha à Henri IV pour devenir gentilhomme ordinaire de la chambre du roi, titre qu'il garda sous le règne de Louis XIII, lequel le fit intendant des jardins.
Il est surtout connu pour son "Traité du jardinage selon les raisons de la nature et de l'art" publié à titre posthume en 1638 dans lequel il considère que cette activité est artistique et que le jardin est avant tout une oeuvre esthétique dans laquelle entrent le dessin, la géométrie et l'architecture et où les proportions et l'harmonie ont un rôle essentiel.
Bien que né sous la Renaissance, ses jardins figurent comme les premiers de ceux que l'on désignera "à la française".

Tommaso et Alessandro Francini
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Tout comme Jacques Mollet, Tommaso di Piero Francini fut à l'origine d'une dynastie, non pas de jardiniers, mais d'ingénieurs hydrauliciens qui restèrent au service de la cour durant les deux siècles suivants qui suivirent sa venue en France vers 1598. Celui-ci fut rejoint par son frère cadet Alessandro qui le seconda au service d'Henri IV, aux côtés d'Etienne Dupérac et de Claude Mollet à Saint-Germain-en-Laye.
Spécialiste des grottes et des jeux d'eau, il est probablement assisté de Francesco Bordoni et d'un spécialiste des rocailles, Jean Séjourné. "Intendant" et "Ingénieur" ou "Conducteur des fontaines et grottes du roi", il participe avec son frère "ingénieur ordinaire du roi" au chantier de Fontainebleau où interviennent Bordoni et Pierre Biard. Il est présent sur les devis pour la restauration de l'acqueduc d'Arcueil destiné à amener l'eau de Rungis au jardin du Luxembourg de Marie de Médicis. Cette eau alimente le "réservoir de l'Observatoire d'où partent des tuyaux de plomb desservant les jardins du palais du Luxembourg puis,photo traversant le Pont Neuf, alimente la fontaine de la Croix du Trahoir.
Il sera le créateur de la grotte du château de Wideville acheté en 1630 par Claude de Bullion et probablement de la nymphée du Luxembourg et, selon H. Brunon, non de Salomon de Brosse ou de Jacques Lemercier comme il est dit quelquefois.
Louis XIII le nommera "Intendant génèral des eaux et fontaines de France" et sa réussite sociale sera marquée par l'acquisition de la terre de Grandmaisons dont il portera le titre à compter de 1619.

Salomon de Caus
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En 1590, alors qu'il n'a que 14 ans, il suit sa famille qui émigre de Dieppe en Angleterre. Pour compléter son éducation, il voyage en Italie où, à Protolino, devant les nombreux jeux d'eau et les grottes, il trouve matière à satisfaire sa curiosité et définir sa vocation.
Engagé par Albert, le futur archiduc de Bruxelles, il s'occupe des grottes et fontaines du palais de Coudenberg et reçoit la fonction de "Ingeniaire à la fontaine artificielle" puis entre au service de la reine d'Angleterre Anne et d'Henrygravure où il découvre les écrits d'Héron d'Alexandrie tout récemment traduits. Il suit ensuite la princesse Elisabeth mariée à Frédéric V à Heidelberg où il réalise un des plus beaux jardins de son temps connus par sa description dans l'"Hortus Palatinus", ouvrage de son créateur.
En France, où il termina sa vie, seuls quelques éléments brisés d'un décor de grotte retrouvés en 1966 dans le château de Dieppe pourraient lui être attribués et plus probablement à son parent Isaac selon David Assouline.
Outre l'"Hortus Palatinus" et "Les raisons des forces mouvantes" déjà cités, Salomon de Caus est l'auteur de "La Perpective avec la raison des ombres et miroirs", "L'institution harmonique" et "La Practique et la démonstration des horloges solaires".

Les plantes à la Renaissance

Un nouveau regard

tableauLa Renaissance est l'époque des grandes découvertes, celle où l'on rapporte des nouveaux territoires des plantes que l'on tente d'acclimater ou qui, dans les jardins, sont la fierté de leurs propriétaires. C'est aussi l'époque où celles-ci ne sont plus étudiées uniquement pour leurs valeurs thérapeutiques mais aussi choisies pour leur rareté, leur beauté ou leur étrangeté. C'est l'époque où seront crées les premiers jardins botaniques.
C'est aussi à cette époque que l'on sépare l'utile de l'agréable: ainsi les plantes seront divisées entre les potagères et les ornementales; un siècle plus tard cette différentiation deviendra définitive.
A la fin du XVIe siècle, Agostino del Riccio distinguait les plantes médicinales des plantes ornementales et des herbes ordinaires qui peuplaient les parterres.
Ce nouveau regard devient aussi celui des peintres: les plantes abandonnent leurs symboles des temps médiévaux pour être peintes sur un mode hyper-réaliste comme le fera Dürher.

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Le voyage de Charles Magius - Sources: Gallica.bnf.fr
Georges d'Amboise fera construire sa demeure à Gaillon qui sera le premier château Renaissance construit dans le royaume, suivi quelques années plus tard, par le château de Bury appartenant à Florimond Robertet.

La création des jardins

Les architectes italiens qui travaillaient en France employèrent une grande rigueur dans leurs tracés qui de ce fait, galliciseront leurs jardins. Cette rigueur trouvera des théoriciens en Philibert de l'Orme, Androuet du Cerceau et même Bernard Palissy qui adopteront l'angle droit dans les massifs tout en donnant aux ornements des formes manièristes.
Toutefois ces jardins ayant totalement disparus nous ne pouvons que nous baser sur les documents d'époque pour en connaître leurs caractéristiques.
gravure C'est à celle-ci qu'apparaissent les orangeries où les agrumes sont cultivés dans des caisses que l'on rentre l'hiver; ainsi la Touraine verra sous son ciel les premiers orangers au Chateau-Gaillard.
Une salle pour le jeu de paume cotoiera également le jardin.
En général il est composé de parterres de broderies tracés au cordeau, de labyrinthes, d'une ou plusieurs fontaines, de berceaux le long des murs d'enceinte ou selon les allées principales, quelquefois de grottes dans les jardins les plus riches.
Héritiers des jardins clos médiévaux, les premiers jardins Renaissance furent entourés de galeries de bois couvertes d'ardoise ou de berceaux de treillages couverts de plantes grimpantes. Ces derniers étaient créés uniquement sur des terrains plats ou aplanis, ce qui nécessitait quelquefois d'importants travaux de terrassement. Puis peu à peu, ces jardins s'ouvrirent vers l'extérieur que seul un petit muret séparait du paysage environnant. Puis on commencera à exploiter les possibilités des terrains en pente par la construction de terrasses qui permettaient à la vue de s'ouvrir sur les alentours.
C'est en Italie qiue nous devons nous rendre pour tenter d'imaginer ce que pouvaient être ces jardins!

Les plantes utilisées

Composition du jardin

Les parterres

En France, le jardin Renaissance se caractérise par des parterres alignés selon un axe de symétrie avec au croisement de deux allées perpendiculaires un pavillon ou une fontaine et quelquefois comme nous le montre "Le thrésor des parterres de l'Univers" de Daniel Loris, en son centre, une fabrique.

"En ce temps-là que j'ai commencé à faire les premiers compartiments en broderie, le plant de buis était encore fort peu en usage, parce que fort peu de personnes de qualité voulaient faire planter des buis en leurs jardins, de façon que je faisais planter mes compartiments en broderie de plusieurs sortes de plants de jardin qui faisaient diversité de verts. Mais d'autant que tels plants de jardin ne peuvent durer longtemps en ce climat de France, à cause des deux extrémités, c'est à dire du grand chaud et du grand froid que nous avons;si bien que c'était une grand peine et dépense de refaire et replanter les compartiments de trois ans en trois ans, qui m'a occasionné de faire recherche de plants de buis, afin de n'être en cette peine de refaire si souvent.
[...]
Et depuis plusieurs seigneurs de qualité se sont voulu servir de plants de buis pour planter leurs jardins, dont la plus grande partie se sont voulu servir d'une espèce de buis qui est nain, ne prenant pas tant de croissance que le gros buis, et a la feuille beaucoup plus petite. Véritablement il est fort propre pour planter en ouvrages délicats, mais il est grandement sujet aux injures du temps, comme à la gelée et à la grande chaleur, et ne peut endurer la tonture si sujette comme le gros buis. C'est pourquoi je suis d'avis que le jardinier ne s'en serve s'il veut prendre le soin de bien planter le gros buis suivant les traces qu'il aura faites, et il s'en trouvera fort bien, parce que les compartiments dureront longtemps, pour les bien entrenir comme il faut, qu'ils soient tondus deux fois l'année, à savoir une fois au mois de mai, et l'autre fois en août."

Claude Mollet- Théâtre des plans et jardinages.


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Olivier de Serres- Theâtre d'agriculture

Les parterres de forme géométrique contiennent soient des motifs de même nature, soient des broderies formant des figures, les blasons des propriétaires du jardins, en général bordés de buis.
D'après les écrits que firent quelques visiteurs de ces jardins, les carreaux étaient plantés d'herbes odoriférantes ou de fleurs, des buis et des romarins étaient taillés en topiaires figurant oiseaux, animaux, etc... techniques venues d'Italie car inconnues au Moyen-Age, des fleurs ou des petites plantes dessinaient les armes du roi et des monogrammes.gravure
Parmi ceux-ci sont souvent un ou deux labyrinthes.
En Italie, les premiers parterres eurent des formes géométriques simples, séparés par des allées de sable ou de graviers puis dans la seconde partie du XVIe sièce ils prirent des formes plus complexes, certaines parties plus élevées pour y recevoir des vases dans lesquels étaient plantées des fleurs, jacinthes, muguet, violettes ou rosiers.
En Europe du nord, Hans Vredeman de Vries, auteur de l'"Hortorum vindariorumque elegans et multiplicis formæ" met dans ses parterres des arbustes et les surélève de quelques centimètres au dessus du sol pour mettre en valeur des plantes exotiques; il s'inspirera des formes antiquesgravure en faisant appel à des auteurs tel Vitruve.
Les parterres étaient ceints de clôtures basses appelées "accoudoirs" car dans les jardins il était de bon ton de laisser des animaux en liberté.

Les berceaux et pergolas
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Selon les lieux, les jardins seront bordés de pergolas recouvertes de plantes grimpantes ou comme à Amboise, par des bâtiments formant galerie.
Issus des jardins médiévaux, elles resteront une caractéristiques des jardins Renaissance et seront situées soit dans le pourtour de jardin qui restera ainsi un "jardin clos" soit au croisement des allées où elles prendront l'allure d'une croix. Dans ce cas un dôme de même style pourra prendre la place du centre.
En Italie, on pourra voir également ces pergolas entourer des massifs et prendre des formes presque circulairesgravure
Berceaux entourant des arbres fruitiers de la villa Patraia.
comme dans la villa Petraia restaurée par Ferdinand de Médicis.
Elles étaient construites en fines lattes de bois que les sarments de vignes recouvraient. Les premiers modèles furent celles que Crescenzi conseillaient dès 1309, faites de branches entrelacées d'ormes, d'arbres fruitiers, de saules ou de peupliers qui recouvraient une ossature en bois. Govian Soderini préférait, à la fin du siècle, utiliser le laurier, le laurier-tin ou la myrte pour atténuer l'éclat du soleil.
Des fenêtres ménagées dans le végétal permettaient au regard de s'ouvrir sur les parterres.
Nous pouvons voir l'importance de ces pergolas sur les gravures du "songe de Poliphile" - voir

Le labyrinthe

LLes nombreuses illustrations de cette époque attestent combien le thème du labyrinthe était intimement lié au jardin Renaissance. Aussi, tant en Italie qu'en Allemagne, en Angleterre et en Espagne, des labyrinthes furent créés dans tout jardin royal ou seigneurial. Ceux-ci furent d'abord de simples tracés conformes au labyrinthe pour devenir complexes et figurer de véritables dédales.
L'aristocratie française n'échappera pas à cette mode et Jacques Androuet du Cerceau créera, parmi d'autres, deux labyrinthes, l'un carré, l'autre circulaire dans les jardins du château de Montargis et un dédale dans les jardins du château de Charleval pour le roi Charles IX en 1560.
photovoir

Dans les deux volumes des plus excellents bastiments de France d'Androuet du Cerceau, deux labyrinthes sont visibles dans les jardins du château de Buryphoto
Les jardins du château de Bury.
et un dans le jardin des Tuileries.

Les kiosques et les fontaines

gravureSur les plans dressés par Androuet du Cerceau, quelques jardins comportaient des kiosques ou encore une fontaine protégée par un pavillon occupant le centre du jardin.gravure
A Fontainebleau, des fontaines étaient situées dans certains jardins sur les pourtours du domaine où à des lieux où coule une source.

Les grottes

gravureLes grottes étaient couvertes de coquillages, madrépores, coraux, roches poreuses, etc... et comportaient également des jeux d'eau et scènes animées par des automates.

Les statues

C'est à cette époque qu'elles apparaissent en France pour la première fois dans les jardins alors qu'en Italie, la statuaire faisait largement partie de leurs agréments.

Jardins de châteaux

Dans les châteaux royaux et princiers

Ces jardins deviendront au même titre que le palais, l'expression du pouvoir, préparant ainsi les jardins à la française et à l'apogée de leurs luxueux bâtiments au siècle suivant. Il est le lieu essentiel de la vie de cour et la maîtrise de l'espace donne l'image du gouvernement raisonné que le souverain entend pratiquer sur son royaume: tableauil en est l'image idéalisée!
Les jardins à parterres voisinent avec des jardins plantés d'arbres fruitiers et d'espèces rares venus des territoires nouvellement découverts; tous sont des lieux de plaisir: on s'y promène, on échange, le roi y reçoit ses hôtes à qui il offre des divertissements. D'autre part, si le relief le permet, des terrasses sont aménagées ou des balcons sont créés sur les façades des châteaux pour que ces jardins puissent être admirés de haut, ce qui était impensable au cours de la période précédente où le château était avant tout un lieu sécurisé et protégé des interventions extérieures.

A Fontainebleaugravure
Plan du domaine de Fontainebleau.
et à Saint-Germain-en-Layegravure
Plan partiel de Saint-Germain.
, copiés sur les "jardins des merveilles" italiens, sont créés des jardins où des automates animent des scènes aquatiques, des orgues hydrauliques, des mécanismes simulant le cri des oiseaux, tout un petit monde merveilleux qui forcent l'admiration et semblent s'opposer aux lois naturelles. Ces jardins disparaitront et seuls resteront les descriptions faites par quelques lettrés qui eurent la chance de les visiter.

Amboise
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Lors des premières campagnes d'Italie, devant la magnificence des jardins italiens, Charles VIII entendait imiter Poggio Realephoto
Poggio-Reale dont les jardins avaient été concus par
Pacello da Mercogliano.
. Son jardinier venu de Naples, Pacello da Mercogliano et un érudit Fra Giovanni Giocondo furent amenés dans sa suite en France et créèrent, semble t-il, le premier jardin Renaissance à Château-Gaillard, non loin du palais royal d'Amboise, afin que le roi puisse s'y retirer.

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Charles VIII, élevé au château d'Amboise qui fait partie du domaine royal en fait sa demeure et entreprend de nombreux travaux; avec Pacello da Mercogliano il en modifie les jardins, ouvre quelques fenêtres dans les portiques qui les entourent et construit un belvédère qui permettent d'admirer la Loire et le paysage.gravureIl tenta avec Giovanni Giocondo et Dominique de Cortonne d'utiliser les eaux de l'Amasse pour alimenter les jardins en eau mais cette tentative échoua. Ce fut l'invention installée par un gentilhomme normand qui permit de monter l'eau d'un puits.
Les jardins d'Amboise comporte un petit pavillon, esquisse des constructions qui seront réalisées plus importantes à Blois et à Gaillon mais non pas au centre du jardin comme dans ces deux derniers jardins mais situé sur le coté, tel un meuble dans une habitation.

Blois
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Louis XII qui était né dans le château de Blois en fera sa résidence; il était allé en Italie et il y créera des jardins Renaissance, et délaissant Amboise, ce château deviendra le lieu où dessinClaude France installera la cour qui se déplacera ensuite, avec François Ier, à Fontainebleau.
Ces jardins étaient remarquables par leurs dimensions et avaient été établis sur un terrain en pente qui avait été nivelé en des surfaces horizontales, ce qui avait exiger d'importants travaux de terrassement et de soutènement.

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gravure En premier lieu, de 1500 à 1510, Louis XII fit aménager par Pacello, qu'il fit venir d'Amboise, le Jardin bas, un petit jardinet devenu la terrasse de l'Eperon puis le Jardin haut, le plus étendu et le plus élevé, chacun étagés en des plans différents sur le flanc de la vallée de l'Arrou. La chose nouvelle en ces jardins est que trois fenêtres permettaient du "Grand jardin" de voir le petit "jardin de la Reine" sans toutefois que l'on puisse passer de l'un à l'autre sans passer par les bâtiments: chaque jardin reste un jardin clos; le premier est entouré de berceaux sur trois côtés sauf sur la portion de murs où sont les fenêtres, le second de murs et d'une galerie haute d'où l'on peut admirer le jardin.
gravure A la création des jardins, le jardin bas était séparé du château par les fossés et n'était accessible qu'en passant par l'angle nord-est du château et jardin de la Bretonnerie. Louis XII fit donc construire un pont couvert par une galerie, à plusieurs arches possédant un pont-levis en son milieu qui fit directement communiquer le jardin et le château; cette galerie appelée "galerie des cerfs" débouchait sur un petit pavillon d'où partait une pergola construite sur un terrain en pente puis traversait un petit jardinet pour arriver dans un second pavillon d'où partaient les pergolas entourant ce jardin.+
Du jardin du bas étaient percées cinq portes, une vers le château, deux vers le jardin haut, une vers la campagne et deux vers les jeux de paume.
Un pavillon occupait la croisée centrale de deux allées.
Celui-ci est plus important qu'à Amboise et comporte un lanterneau vitré recouvertgravure d'un dôme d'ardoises et de "plombs dorés" surmonté de la figure couleur or de Saint-Michel, protecteur du royaume. Ce pavillon abritait une fontaine octogonale de marbre blanc de Carrare, dont les faces étaient enrichies de sculptures avec les armes et chiffres du Roi et de la Reine; à l'intérieur, un second bassin de forme ronde à godrons avec "masques et d'autres ornements très savamment taillés" posé sur un piédestal; de ce second bassin s'en élevait un troisième: c'était de ce dernier que jaillisait l'eau qui retombait dans les bassins du dessous; il était alimentée par une adduction entreprise par Fra Giocondo et réalisée par Pacello da Mercogliano. +
En 1503, un puits avait été creusé dans ce jardin mais ne pouvait fournir l'eau courante pour la fontaine.photo Puis après un premier essai d'alimentation de celle-ci par une adduction à partir d'un étang et un système de siphon imaginé par Fra Giocondo, on du avoir recours à deux citernes situées en lisière des jardins, alimentées par un système élévateur de l'eau d'un puits le tout dans le "jardin haut", actionné par un manège tiré par des chevaux.photo
L'eau de la grande fontaine alimentait une moins importante, construite aussi en marbre, située dans le jardin de la Reine à "six cannes" au dessous de la première.
gravure Un autre, le pavillon dit d'"Anne de Bretagne"
Ce pavillon existe toujours.
Il était octogonal et non
carré comme l'indique
Androuet du Cerceau.
, habitable celui-ci, existait dans ce même jardin qui était composé sur deux niveaux d'une pièce principale, de deux cabinets dont un chauffé et d'une chapelle; de l'étage, un passage permettait l'accès à la galerie située au dessus du jardin de la reine et un escalier à vis donnait l'accès à ce dernier; cet ensemble présentait les qualités d'un petit ermitage où seuls les souverains et leurs proches avaient accès. Le rez-de-chaussée de ce bâtiment était occupé par une orangerie et photoPacello occupait un logement au dessus de celle-ci, contigu à la galerie ouverte sur le jardin.
Ceci nous montre que les jardins étaient davantage animés par des plantations d'arbres en pots que les gravures de Du Cerceau nous le feraient croire!
Mais d'après ce dernier, le parquet de l'angle nord du jardin de Blois était planté d'arbres formant un bosquet; peut-être des fruitiers, souvenir du verger médiéval!
gravure Sans faire partie des jardins, deux jeux de paume existaient à Blois: le "Jeu de Paume de Roddes2" et le "jeu de paume de Porte-Côté1", le premier mentionné en 1508, l'autre, le plus grand de France, en 1530. Il était adossé au mur de soutènement du jardin du roi et on y jouait à la longue paume. Une galerie couverte de charpente et une fenêtre à meneau percée dans le mur du jardin bas permettaient de suivre les joueurs. Du jardin du Roi on y accédait par un petit pavillona contenant un escalier, puis d'une galerie allant de ce pavillon au Jeu.
Le second jeu de paume était également entouré sur deux côtés d'une galerie et communiquait avec le jardin bas par deux portesb.
Deux concierges ou gardes étaient logés sur place3, chacun ayant pour charge la protection de l'un ou l'autre jeu.
On ne sait si le jardin haut fut créé à la même époque que celui du bas. Il se constitua sur des terrains appartenant à des particuliers, notamment à Théodore de Pavie, médecin du roi. Conformément à la nouvelle pensée qui différenciait les plantes potagères des ornementales, il pourrait avoir été consacré à la production maraîchère. Il occupait une vaste terrasse d'environ 2 hectares jusqu'au sommet du plateau en suivant ses limites et surplombait le jardin bas de plusieurs mètres. Son enceinte était percée de plusieurs portes, deux à l'angle sud-est, probablement au milieu du mur pour accéder au jardin bas. Il était aménagé beaucoup plus simplement que le jardin bas, sans accoudoir autour des parterres et la vigne y tenait une part importante. Des documents parlent de salades, chicorées, peintureartichauts, asperges et les allées étaient bordés de muriers blancs. On y trouvait aussi des plantes venues d'Italie, des orangers et agrumes dans des caisses en bois que l'on rentrait l'hiver dans une seconde orangerie. On tenta d'acclimater sans succès des figuiers importés de la région de Naples, sans doute par Mercogliano dont Antonio de Beatis put voir les derniers plants en 1517.
En 1510, inspiré par la mécanique installée à Amboise, Marcogliano fit creuser un puits dans ce jardin et put ainsi fournir l'eau au Jardin du bas. L'eau tirée du puits se déversait dans un bassin rectangulaire voûté d'où partaient des tuyaux vers deux citernes enterrées; de ces dernières l'eau était acheminée vers différents point du Jardin bas. Ce travail fut probablement effectué par Pierre de Valence, célèbre fontainier de Tours que l'on avait appelé à Blois pour de tels travaux.
Un batiment protégeait le puits et son système élévatoire qui, comme l'architecture des citernes faisait l'"admiration des visiteurs".
D'autres citernes furent retrouvées sans que l'on sache quelle était leur destination.
Des constructions avaient été reléguées dans le Jardin haut: une orangerie, le logement du gardien et des bâtiments sans importance et architecture particulière.
Louis de Bologne rapporte qu'on voyait dans les jardins différentes espèces d'oiseaux, dont une autruche mais aussi un porc-épic et "d'autre animaux qu'il serait trop long d'énumérer". Beatis et Andrea Navagero n'en parlent pas et peut-on penser que ce genre d'animation dans les jardins avait disparu pour cause de dégradations malgré la présence d'accoudoirs insuffisemment hauts pour protéger les parterres... du moins si cela était leur fonction!
En 1512, fut appelé par le marquis François Gonzague Guilio Cesare Martinengo, un jardinier, pour la création d'un jardin près de Mantoue inspiré de ceux de Blois.

François Ier
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Après Louis XII, François Ier interviendra sur les bâtiments en rebatissant l'aile qui porte aujourd'hui son nom. Malgré son goût au jeu de paume qu'il pratiquait, il se détournera de Blois pour se consacrer principalement aux châteaux de Fontainebleau et Chambord où il pouvait s'adonner à son plaisir favori: la chasse. De Blois, pour embellir les jardins du premier, il y fera venir des plants de rosiers, de muriers blancs et autres...
En 1516, le jeune Frédéric Gonzague est en qualité d'otage de François 1er avec ses serviteurs: M. Rozone, Stazio Gadio dont la plume nous renseignera de la vie de la cour. A cause du prestige culturel et artistique qu'il représente de la cour d'où il vient, il sut attirer une vraie sympathie du roi qui pourra lui dévoiler les projets qu'il imagine pour le château de Blois.
Dans un document, Marc H. Smith raconte la visite des jardins de Blois par le roi guidant son hôte/otage, au soir du 9 août, en improvisant une visite des jardins et du château. Trois jours après, Gadio adresse un "compte-rendu" au marquis de Mantoue que M. H. Smith résume. "La visite commence par les jardins. On accède d'abord, par la longue galerie dite des Cerfs, au jardin le plus important, celui que F. et P. Lesueur nomment le Jardin bas. De là on passe dans un autre plus petit et situé au-dessous, celui que les mêmes auteurs identifient avec l'ancien jardin de Bretonnerie. Ensuite, vers minuit, on rentre dans le château. [...]
La galerie des Cerfs est décrite comme "la petite salle dans laquelle il y a environ vingt-cinq têtes de cerfs imités, avec de vrais bois, trois chiens en relief, un Triboulet au naturel, le faucon au poing, une représentation du bras du roi Louis avec son faucon au poing". Gadio est le seul à donner une indication sur le nombre des têtes de cerfs. Les chiens eux, semblent se multiplier: on en trouve un seul chez Louis de Bologne sous Louis XII, trois chez Gadio et un grand nombre avec A. de Beatis en 1517.

Voici ce qu'écrivait Gadio, trois jours après qu'il ait visité les jardins ce soir d'août 1516: lire
Ce texte indique que le jardin "haut" dessiné par Jacques Androuet du Cerceau, comporte quatre parterres et non dix.
Entre 1517 et 1518, Antonio de Beatis secrétaire de Louis d'Aragon voyage au travers l'Allemagne, la Hollande, la Belgique, la France et l'Italie. A Blois, après avoir décrit la ville et son château, les voici dans sa bibliothèque avec tous les trésors qu'elle contient; puis A. de Béatis nous entraine dans les jardins: lire
En 1528, Andrea Navagero évoquera "Deux très beaux jardins et, dans l'un, un labyrinthe en bois" c'est à dire des galeries de charpente.

Henri II
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Les rois suivants feront également des travaux et Henri II embellira en 1555 le jardin Haut par des tonnelles copiées sur celles du jardin Bas; il plantera de jeunes pruniers ramenés de Damas par le botaniste Pierre Belon dont les fruits seront baptisés "reine-claude" en hommage à la première épouse de François Ier, Claude de France; il fera aussi appel à l'"ydromanticq du roy" Jean Maillart pour amener dans le jardin haut, l'eau d'un étang situé aux "Bournas". L'entreprise échoua puisqu'elle fut abandonnée en 1566. Des factures montrent que d'autres travaux furent engagés sans que nous en sachions le but.
En 1550, Giovanni Soranzo remarque "les très beaux jardins avec des tonnelles faites de charpente en berceau, longues et en vérité très belles"
Et en février/mars 1551, Seyfried Rybisch, étudiant silésien qui voyage au travers l'Europe nous donne un court aperçu des jardins de Blois. lire

François II
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François II, durant son court règne, voulut compléter les jardins d'un grand parc qu'il aménagea dans la forêt de Blois, relié au château par une allée de 2,350 km de long, 20m environ de large et bordée d'ormes. Henri II avait conçu un projet analogue en prolongeant le chemin de la forêt jusqu'aux jardins mais celui de François II était plus important:

"Cette allée a quatre rangées d'arbres; l'allée du milieu a 32 pieds de large et les deux contre allées ont chacune 12 pieds de large; elle commence à la porte des Jardins hauts et continue jusqu'à la forest, ou il y a une porte qui ouvre et ferme; elle contient 1207 toises de long... Aux deux costez du duhors des contre allées il y a des fossez avec des hayes d'épine d'un bout à l'autre, les bords desquels fossez sont presque joignant les arbres des contre allées en sorte que lesd. arbres sont entre les epines des hayes.... Dans environ le quart de la longueur desd. allées au bout vers la forêt les arbres sont presque tous chesnes.... Le grand chemin qui est au costé dr. desd. allées estant impraticable en hiver, au droit du milieu environ de la longueur de la moitié d'icelle, les cavaliers et besteaux traversent l'allée par le dessous d'une grande arche qui est vers le bout du costé des Jardins Hauts... il y a une petite arche qui est vers le bout du costé de la forest pour l'écoulement des eaux... il y a deux autres petites arches dans la longueur de lad. allée."
André Felibien- Maisons royales cité par Pierre Lesueur.

Malgré la hâte avec laquelle il commanda les travaux, sa mort ne lui permit d'emprunter cette allée et c'est probablement sa mère, Catherine de Médicis, durant la régence de Charles IX, qui termina son oeuvre.
La création des allées amena la nécessité d'une fonction: celle d'un garde qui, selon la coutume, avait droit à un logement. On lui acheta une maison appuyée au mur Nord du Jardin bas, à l'extrémité des allées, composé une habitation avec cour et cave, d'un jardin, d'une écurie , d'une étable, un "têt" à cochons et d'un puits.
Les travaux suivants furent surtout destinés à la défense du château et en 1571, à l'entretien du puits et des citernes puis des bâtiments du Jardin haut.

Henri III
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Henri III poursuivit des travaux concernant ces mêmes bâtiments et fit refaire en 1578, les charpentes des Jardins. L'année suivante une tempête nécessita de nouveau leur réfection: on refit totalement les berceaux du haut qui avait probablement le plus souffert et on refit seulement "d'autre facon " "le grand berceau couvert" qui s'étendait le long du mur de soutènement du Jardin haut en le rehaussant. Ces travaux furent exécutés en 1581 par Jacques Bourg qui recut la charge de maître charpentier du Comté et à qui on lui attribua cent écus soleil.
gravure Selon Pierre Lesueur, c'est probablement à cette même époque que le roi créa la terrasse de l'Eperon, séparée des jardins par un fossé, peut-être une création militaire pour se protéger des guerres civiles, en lieu et place du petit jardinet et en 1616 on construisit un pont entre cette terrasse et le Jardin haut.

Henri IV
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Henri IV fit exécuter des travaux de grande importance: il remplaça les berceaux rénovés en 1581 par une galerie de pierre de taille; ces travaux commencèrent 1598 pour se terminer en 1603 et les derniers paiements en...1616! L'exécution des charpentes furent menés par Jean Serlant et Pierre Carré et coutèrent 7000 écus. Quant au sculptures, ce fut Robelin de Paris sous les ordres de Boyé de Blois qui en fut l'exécutant. A chaque extrémité étaient prévus des pavillons qui ne furent jamais exécutés.
Les jardins alimenteront la table du roi; ainsi des salades, des chirorées, des artichauts, des asperges et des melons seront acheminés de Blois à Meudon.
Voici la description qu'en fait Thomas Platter, lors de son passage à Blois fin mai 1599: lire

Marie de Médicis
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Pour une nouvelle activité jardinière et royale, il faudra attendre l'exil de Marie de Médicis dans ce château où les jardins furent l'objet de ses attentions et de ses distractions. Jean-François Dubost nous montre qu'elle ordonna des plantations lui permettant de retrouver des senteurs italiennes: jasmins, myrtes, et orangers. Son jardinier Pierre Mangot les reçoit de Gênes qu'il rempote dans des caisses en bois qu'il fabrique lui-même. Elle tenta de faire entrer à son service le botaniste et médecin Paul Reneaulme qui publia un ouvrage "Specimen historæ plantarum" et "La Vertu de la fontaine de Médicis, près de Saint-Denys-les-Blois". Puis la Reine-mère s'échappa du château pour se réfugier dans celui d'Angoulême et c'est son fils Gaston d'Orléans qui interviendra à Blois avec Mansart et Le Nôtre pour transformer le site à la mode du grand siècle.

Gaston d'Orléans
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Gaston d'Orléans, héritier présomptif du trône, ayant reçu le comté de Blois en apanage, s'installe en son château en 1634. Il entreprend sa reconstruction qu'il confie à Mansart, en continuité du palais du Luxembourg construit par Marie de Médicis et en opposition à Richelieu qui se fait bâtir un palais et une ville modèle dans son fief aux confins de la Touraine, du Saumurois et du Poitou. Il crée un jardin botanique dont on ne connait pas la disposition. Seule l'aile ouest en fond de cour fut édifié.

Fontaine Belleau
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Fons Bleaud ou Fontaine Belle Eau, Fontaine Belleau, Fontainebleau fut le siège d'un des plus beaux châteaux français dont François Ier fut l'instigateur en transformant un château médiéval en un château du style qu'il avait put admirer en Italie lors de ses campagnes.
gravure Il était particulièrement difficile de construire un tel ouvrage dans un site marécageux où un petit ru, affluent de la Seine, s'étendait en stagnant sur des terrains sablonneux et instables. Les architectes obtiendront de ces éléments des caractères qui en feront leur gloire et leurs attraits. La forêt proche en fera également le lieu où les rois aimaient y séjourner pour la chasse.
Dès sa conception, François Ier entendait bien, comme son prédécesseur Louis XII avait fait à Blois, que des jardins fassent parties du domaine et les lettres patentes par lesquelles le roi dédommageait les religieux occupant l'abbaye voisinegravure nous le montre bien: François par la grâce de Dieu Roy de France: à tous presens et à venir. Comme pour accroistre, aggrandir et aiser le Bastiment que presentement nous faisons construire et édifier en nostre Chastel et Maison de Fontaine Belleau en la forest de Bierre, icelui décorer et embellir de Place, Jardins et Pourpris convenables
terrains qui deviendront jardin du roi puis de la reine,
aujourd'hui "jardin de Diane".
, ainsi qu'il appartient; attendu qu'avons intention et sommes délibéré y faire cy-après la plupart du tems notre residence pour le plaisir que prenons audit lieu et aux deduits de la Chasse des bestes rousses et noires qui est en la forest de Bierre et aux environs; nous est convenu prendre et recouvrer de nos chers et bien aimés les Ministres et Religieux de l'Ordre de la Sainte Trinité étant audit lieu de Fontaine Belleau, la moitié du lieu où est de present situé la grande Galerie faite pour aller dudit chasteau engravure leur Eglise et logis de l'Abbaye, leurs jardins et leur grand Clos des Prèsgravure
futur jardin des Pins y
compris le grand Etang.
, celui où est de present notre écurie avec leurs Etangs et Vivier, la maison du Chapelain qui souloit être dans ledit chasteau, et dix-sept maisons d'aucuns habitans dudit lieu qui étoient contigüs et joignant à notredit Chastel,...

Une fontaine de Primaticephoto
fontaine d'Hercule d'après Jacques
Androuet Du Cerceau
surmontée d'une statue d'Hercule sculptée par Michel-Ange fut érigée dans la cour devant l'étanggravure
Situation de la fontaine d'Hercule
qui fournissait l'eau de la table du roi; elle était gardée en permanence.
Le jardin des Pins où une grotte
Grotte des pins
avait été construite limite la propriété royale de cette époque dans lequel étaient de nombreux canaux; il y fut établie la fontaine Belleau, objet d'un traitement monumental, sacralisant l'endroit comme fondateur du lieu.

gravureHenri II, François II, Charles IX et Henri III continueront à modifier le château et Catherine de Médicis interviendra dans le jardin du Roi qui deviendra le sien en l'agrandissant et l'enfermant par des galeries: au nord, une volière- qui deviendra une orangerie- dominée par un pavillon central dans lequel était une fontaine
Fontaine de la Volière- Abraham Bosse
, à l'ouest, la galerie des Chevreuils, à l'est, celle des Cerfs, le tout cernant quatre parterre réguliers entourés de copies en bronze d'antiques fondues sous la direction du Primatice alternant avec des orangers; le centre était occupé par la fontaine de Dianephoto.
gravureLa grande étape suivante sera l'intervention de Henri IV qui entend restaurer l'autorité royale mise à mal par le dernier des Valois et poursuivre la politique artistique instaurée par François Ier. A Fontainebleau, outre ses interventions sur les bâtiments, il restructuera les jardins et créera le jardin de l'Etang, parcelle carrée gagnée sur l'étang, à laquelle on accédait par une passerelle en bois. Il était planté d'ifs taillés et de buis que Claude Mollet avait introduit dans les jardins royaux. Au centre, Henri IV avait placé le grand Hercule provenant de la fontaine que François Ier avait fait ériger devant le palais. Cette oeuvre fut perdue lors de la démolition du jardin en 1713.
gravuregravure Avec Henri IV, la place réservée à l'eau prendra une nouvelle dimension; des fontaines ornées de sculptures furent installées dans le jardin de la Reine dont la responsabilité fut confiée à Thomasso Francini et son frère Alessandro; pour les alimenter, après l'acqueduc construit sous François Ier, il fut nécessaire d'en construire un second dont les eaux arrivaient à une hauteur supérieure de 1,5m au premier et pouvait ainsi assurer une pression suffisante aux fontaines.
Il augmenta le jardin des pins de plusieurs petits jardins
bois des canaux, jardin fruitier, jardin de la fontaine.
et le grand jardin de la reine fut entièrement transformé. Enfin il fit réaliser le grand canal qui suivait le cours du ru de Changis selon un axe ouest-est en continuité du même axe du jardin de la Reine. Ce dernier agrandissement marqua les limites que le domainre gardera ensuite tout au long des siècles suivants.

Sans aucun doute, les jardins du château de Fontainebleau inspireront Lenôtre pour la réalisation des jardins de Versailles quelques dizaines d'années plus tard avec Claude Mollet.
Les illustrations ont été gravées sur cuivre par Abraham Bosse et Michel Lasne. La première offre une vue en perspective de l'édifice entouré de ses jardins; les 8 suivantes montrent des fontaines spectaculaires, conçues par les frères Thomas et Alexandre Francine, et gravées d'après leurs dessins.

Les Tuileries
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Plan du château et des jardins des Tuileries par Androuet du Cerceau
C'est Catherine de Médicis qui est à l'origine de la création des jardins et du palais des Tuileries dont la construction commença en 1564. Les jardins éaient compris dans un espace trapézoïdal de 570m de long sur 310 de large quadrillé par des allées orthogonales bordées d'ormeaux, de sycomores et de sapins. Il se composait de parterres et d'un "bois" sous la forme de bosquets. On y trouvait un labyrinthe, plusieurs fontaines ornées de sculptures alimentées par une source située à Saint-Cloud, des fabriques dont une grotte rustique et une grande salle de verdure dite "des Polonais" érigée à l'occassion de la réception des ambassadeurs de ce pays en 1573.
Pour ces travaux, la reine s'appuya sur Marie-Catherine de Pierrevive, dame du Perron, pour les jardins, de Philippe Delorme pour les adductions d'eau, du fontainier Florent Fournier qui dût faire face aux fuites provoquées par la trop forte pression de l'eau à son arrivée dans les jardins, Bernard Carnesecchi pour des plantations et bien sûr, Bernard Palissy pour la grotte. Quant au jardiniers, nous trouvons les noms de Pierre de Villiers, Bastien Tarquien et Pierre Lenôtre, grand-père d'André Lenôtre.

Les jardins de Catherine de Médicis

Mariée au troisième fils de François 1er, Catherine de Médicis n'est pas appelée à gouverner et ne dispose pas de demeure en son nom. Sous un prête-nom, elle fera acquisition d'une ferme près de Fontainebleau et ce n'est qu'à la mort du roi qu'elle y mènera quelques travaux. Son statut changera en 1556, lorsque son mari lui offrira le château de Montceaux où elle couvrira de charpentes la grande allée servant de mail et fera édifier à son extrémité, une construction de pierre abritant dans sa partie basse une grotte; mais c'est lorsque devenue "régente" elle affirmera son pouvoir et lancera de grands projets de jardins.
Debut 1561, à Fontainebleau, elle fait dresser une grande pergola dans le jardin dit du roi qui devient alors "le jardin de la Reine".
A Blois, elle fait aménager le fossé sur lequel est bâti la galerie des Cerfs: un escalier privatif descendait depuis les cabinets de la Reine jusqu'à une salle ménagée sous la grande arcade de la galerie; elle ouvrait sur un petit cabinet probablement en charpente de bois, adossée au mur de la galerie et semble avoir été une sorte de serre avec vue sur de petits parterres plantés dans le fond des fossés. Elle surveilla de près l'entretien et l'achèvement de la grande allée du château vers la forêt dont son fils François II avait été le concepteur. voir - Sous son règne, elle fit replanter deux à trois mille ormes d'une allée du bois de Vincennes.
En 1560, elle s'attribue le château de Chenonceau dont Diane de Poitiers était la propriétaire. voir
En 1563, elle acquiert le château de Saint-Maur situé au sommet d'une crête dans un méandre de la Marne mais seul le plan de du Cerceau nous enseigne de ce qu'il fut. On aménagea un mail couvert de charpentes, sans doute une réplique de celui de Montceaux.
Au cours de son tour de France que fit Catherine avec son fis Charles IX, elle se rendit à Hyères où elle fit le projet de construire un château (encore un!) dans les jardins duquel serait expérimentée la culture de la canne à sucre. Les travaux commencèrent mais ce palais ne vit jamais le jour dans le contexte de guerre civile qu'étaient les guerres de religion.
Son palais des Tuileries non encore terminé, la reine acheta un hôtel parisien sur la paroisse de Saint-Eustache. Elle l'étendit par l'achat d'un terrain appartenant à un couvent pour y créer un jardin et condamna la rue d'Orléans pour faire de l'hôtel et du jardin un seul ensemble.
En 1583, elle acheta une maison sur la colline de Chaillot qu'elle agrandit sur les plans de l'architecte Dupérac. Cette fois ce n'était que pour profiter du jardin voisin appartenant au couvent des Minimes qu'elle appréciait et où elle aimait se promener. En 1588, elle fit de nouvelles acquisitions pour projeter la construction d'une villa à l'antique sise au sommet du jardin en pente. Ce projet fut abandonné après son décès, neuf mois plus tard.

On pourrait se demander quelle était la destination de toutes ces résidences? Et de toutes la reine savait-elle encore où elle habitait? Assouvait-elle une passion où une nécessité de changement? L'histoire ne nous donne pas de réponse. Ronsard nous donne son point de vue:
"Mais que nous sert son lieu des Tuileries?
De rien, Moreau, ce n'est que vanité".

Une autre raison est avancée par De Thou qui nous dévoile que la reine mère était supersticieuse et persuadée que lorsque ses résidences seraient terminées, ce jour verra également sa mort... et ainsi elle aurait voulu retarder sa fin en construisant toujours de nouveaux châteaux!
A sa mort, Catherine de Médicis, laissera une facture de 800 000 écus... et nombre de chantiers et projets sans suite.

Saint-Germain-en-Laye
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Dès son arrivée au pouvoir, Henri IV se lance dans plusieurs rénovations ou constructions de certaines résidences royales dont le Château Neuf de Saint-Germain-en-Laye. Celle-ci proche de Paris convenait à son désir d'élever ses enfants dans un lieu proche de Paris. D'après E. Lurin, Le roi "semble avoir voulu faire du Château Neuf sa première résidence hors de la capitale: une sorte de "villa royale" ... où il pourrait profiter en famille et avec ses proches, des plaisirs de la vie à la campagne."!gravuregravure
Château Neuf de Saint-Germain-en-Laye par Claude Chastillon.

Les intervenants

Devant l'étendue du projet et son coût, Henri IV dut faire appel une équipe de conseillers, de banquiers et de spécialistes car le roi entendait que cette résidence fut le reflet d'une royauté ayant retrouvé son éclat, sa légalité et son autorité.
Albert de Gondi, financier et conseiller proche de la famille royale dont le rôle est fondamental dans l'arrivée des artistes italiens en France. Celui-ci comptait aussi sur ces derniers pour qu'ils viennent travailler dans son château de Noisy-le-Roi.
Jérôme de Gondi, qui au château de Saint-Cloud, recevait régulièrement le roi qui pouvait admirer collections de sculptures, jeux d'eau et jardins en terrasse jusqu'à la Seine.
Jacopo Guicciardini, homme de confiance du roi, ayant combattu à ses côtés.
Baptiste Androuet du Cerceau qui intervient sur les bâtiments et les jardins avec Etienne du Pérac qui avait séjourné une vingtaine d'années à Venise et à Rome et étudié des reconstitutionsgravure du site helléniste de Prénestephoto
Vestiges de Preneste,
ancienne ville du Latium, aujourd'hui Palestrina.
que fit Pirro Ligorio. Il fut assisté dans sa tâche du jardinier Claude Mollet, premier jardinier du roi sous les règnes de Henri IV et Louis XIII.
Cette époque est nommée quelquefois la "France italienne"! Elle se poursuivra après Henri IV sous la régence de Marie de Médicis avec les Concini, Mazarini, Mancini...

Les antécédents

Il fut beaucoup écrit que les jardins de la villa d'Este, gravés par Dupérac, servit de modèle au roi pour la réalisation de Saint-Germain-en-Laye. Malgré tout, Henri IV qui n'était jamais allé en Italie avait sous les yeux des exemples qui auraient pu l'inspirer.
Il était coutumier du château de Saint-Cloud et de ses jardins à l'italienne en terrasses sur la Seine appartenant à Jérôme de Gondi; ce site, peut-être, le poussa-t'il à construire Saint-Germain car ce lieu était remarquable mais particulièrement difficile à aménager; aussi dès le printemps 1594, de grands travaux de terrassement furent nécessaires pour réaliser les jardins car contrairement à leurs homologues italiens l'architecture y était omniprésente.
On peut également citer les jardins du château de Noisy-le-Roidessin
Le château de Noisy-le-Roi.
fréquenté par le roi, appartenant à Albert de Gondi et le château de Meudon construit entre 1552 et 1560, doté de jardins en terrasses et d'une grotte.

Le roi, le banquier et le fontainier.

Le grand-duché qui veut s'affranchir de la protection espagnole conduit des négociations afin de conclure un mariage entre la nièce de Ferdinand 1er de Médicis, et Henri IV. De son coté, le roi de France sait qu'il aura besoin d'un porte-parole influent auprès du Saint-Siège pour faire annuler son mariage avec Marguerite de Valois et faire reconnaître son adjuration en faveur de la foi catholique. D'autre part, et ce n'est pas la moindre raison, la couronne de France était fortement endettée après des banques médicéennes et leur bonne économie dépendait du remboursement de la dette. En 1600, le roi épousait la nièce du grand-duc, Marie de Médicis, dont le montant de la dot très important fut directement déduit de celui de la dette française. Les bons comptes font les bons amis!
Dès 1596, Henri IV recut en trois envois, une abondance de plants, d'arbres et d'arbustes, des bulbes de plantes rares, des matériaux pour l'aménagement des grottes et des fontaines, deux sculptures en marbre de Franscesco Ferrucci et des bronzes de Jean Bologne. Le grand-duc prêtait pour un an son ingénieur hydraulicien, Tommaso Francini, fontainier à la cour de Florence.
En juillet 1599, il avait terminé la grotte du Dragon et en octobre, la grotte de Neptune; Francini prévoyait encore huit mois de travaux afin que la grotte des Orgues soit terminée à l'arrivée de Marie de Médicis en France.

Les artistes

E. Duperac fut assisté dans sa tâche du jardinier Claude Mollet puis des hydrauliciens Tommaso Francini et de son jeune frère Alessandro arrivé en 1603.
Ils furent rejoints par Francisco Bordoni qui s'installera à St-Germain en 1600, puis à Paris en 1606 auprès de son maître Pierre de Francqueville, élève lui-même de Jean Bologne auquel on doit la statue de Mercure et plusieurs autres figures.
Il enverra de Rome, en 1623, un cheval de bronze, des statues, des colonnes et des fontaines en marbre ayant appartenu à l'abbé Luigi Rucellai à destination de Saint-Germain-en-Laye.
On peut aussi nommer les fontainiers Denis le Roux qui restera à St-Germain, chargé de l'entretien des fontaines durant 6 ans, après le départ des Francini, Horacio Ferray qui s'installera ensuite dans le Sud-Ouest et oeuvrera pour l'architecte Pierre Souffron, Jean Séjourné qui, en 1602, venant de Rouen, loge à St-Germain et dont le séjour pourrait correspondre à la livraison en 1599 de 21 caisses et 12 tonneaux de "coquilles, vignots, nacres, roches de corail, congellations et 16 de pierres maritimes" à Rouen destiné au Château de Saint-Germain et à la construction de la grotte d'Orphée achevée en 1605.

Les jardins et les grottes

Les jardins furent divisés en sept terrasses plus ou moins étroites, depuis la façade du château jusqu'à la Seine, c'est à dire sur un dénivelé de 65m pour une distance d'environ 500m, suivant un axe central reliées entre elles par des escaliers ou des rampes qui permettaient de circuler à cheval; sur chaque terrasse était une galerie, une fontaine, un bassin, des grottes et des parterres de broderies composant des maximes, les initiales ou les emblèmes du souverain. On remarquera que ces jardins sont dépourvus de statues.

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De part et d'autre du chateau, se situaient les jardins de la reine au sud et du roi au nord. Le premier fut transformé en boulingrin par Le Nôtre en 1680, le second dû à Claude Mollet était planté de muriers; celui-ci devint ensuite le jardin de la Dauphine.

gravure

gravure Au niveau inférieur, entre les chapelles de la reine et du roi, cette dernière renfermant une grotte, s'étendaient des parterres de buis en broderie créés par Cl. Mollet dont le centre étaient ornés d'une fontaine. L'eau retombait en quatre nappes sur une pierre taillée en quatre coquilles. Ces parterres étaient séparés par l'escalier en hémiycle desservant le château à la fontaine de Mercure de Jean Bologne dont la vasque était le lieu d'arrivée des conduites d'eau et le point de départ de toute l'alimentation hydraulique des grottes et fontaines inférieures. Il était soutenu par d'autres figures de bronze qui crachaient de l'eau.
De là partaient deux escaliers divergents symétriques pour accéder à la troisième terrasse dite "doriqueaquarelle
La galerie dorique en 1777
Jean-D. Dugourc
" par laquellegravure on avait accès à trois grottes: au centre la grotte du Dragon
Grotte du Dragon
dans laquelle on rencontrait selon André Du Chesne "un fier Dragon, lequel bat des aisles avec grande véhémence; & vomit violemment de gros bouillons d'eau par la gueule. Dragon accompagné de divers petits oisillons, que vrayement l'on diroit non pas peints & contrefaits, mais vivans qui font retentir l'air de mille sortes de ramages & surtout les Rossignols y musiquent à l'envy, & à plusieurs Chœurs." et John Heylin précisait que le dragon vomissait sur celui qui l'approchait.
De chaque coté et latéralement, sous l'escalier, les grottes de Neptune au sud et de La Demoiselle qui joue des Orgues au nord.
Dans la première,"un bassin de fontaine enrichy de mille petits animaux marins, les uns en cocque, les autres en escailles, les autres en peau, tous entortillez par le reply des Vagues, & des flots courbez & entassez l'un sur l'autre: & semble à voir ces troupes escaillées que ce soit un triomphe marin. Sur l'une des faces entre ces petits animaux, s'eslèvent deux Tritons par dessus les autres, qui embouchent leurs coques, tortillées & abouties en pointe, mouchetées de taches de couleur, aspres & grumeleuses en quelques endroits. Ils ont la queue de poisson large & ouverte sur le bas. Au son des coques s'avance un Roy assis en Majesté sur un char couronné d'une couronne de joncs meslez de grandes & larges feuilles qui se trouvent sur la grève de la mer. Il porte la barbe longue & herissée de couleur bleue & semble d'une infinité de ruisseaux distillent de ses moustaches allongées & cordonnées dessus ses lèvres & celles de ses chevaux. Il tient de la main dextre une fourche à trois pointes, de l'autre il guide & conduit ses chevaux marins galopans à bouche ouverte, ayant les pieds dechiquetez & decoupez menu, comme les nageoires de poissons. Ils ont la queue tortillée comme serpents. Les roues de ce char sont faites de rames & d'avirons, assemblez pour fendre & couper la tourmente, & l'espaisseur des flots comme à coups de ciseau. De l'autre face sont les Mareschaux en leurs habits de forgerons, la face noire de crasse et de suye, lesquels battent du fer sur une enclume à grands coups de marteau. Si c'estaient des Cyclopes je dirois qu'ils forgeroient des armes à nostre grand Henry, comme ils en ont forgé chez les Poëtes au vaillant Achille & au pieux Enée. Et ce qui est de plus plaisant & qui semble fait pour faire rire, c'est l'eau qui se lance à si gros bouillons contre ceux qui se tiennent aux fenestres, qu'en un moment ils sont tous mouillez".

gravures

Dans la seconde, " est une table de marbre, où par l'art d'un entonnoir s'eslèvent en l'air des coupes, verres & autres vaisseaux bien formez de la seule matière de l'eau. Près de là, il y a une Nymphe eslevée à demy bosse en face riante, belle & de bonne grace, qui laissant emporter ses doigts au bransle que luy donne l'eau fait jouer des Orgues, je dis de ces instruments Organiques, qui furent premièrement en usage aux Eglises de France sous Louys le Débonnaire, fils de notre grand Charles. Il y a un Mercure près la fenestre, qui a un pied an l'air, & l'autre planté sur un appuy, sonnant & entonnant hautement une Trompette. Le coucou s'y fait entendre & recognoistre à son chant."
Heylin précise: "Tandis que ses doigts jouaient, sa tête dodelinait en mesure d'une épaule à l'autre, tel des violoneux qui jouent de leur instrument. Dans le même lieu se trouvaient des représentants de toutes sortes de métiers qui, fort activement occupés auparavant, s'arrêtèrent soudain quand la musique commença, tout comme s'ils avaient eu des oreilles pour l'entendre."
Sous cette troisième terrasse était aménagée la galerie toscaneaquarelle
La galerie toscane en 1777
Jean-D. Dugourc
dans laquelle deux grottes étaient aménagées de part et d'autre de cette galerie: la grotte de Persée au nord et la grotte d'Orphée au sud.

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Dans la première, le journal d'Antoine l'Ainé nous dit qu'"on y apercevoit donc Persée, d'une grandeur plus qu'humaine descendre armé de toutes pièces, du haut de la voûte, pour frapper de son épée sur la teste d'un grand dragon qui sortoit d'un grand bassin plein d'eau, et qui ayant reçu ces coups disparaissoit au fond de l'eau; à costé on voyoit une agréable figure au naturel d'Andromède, qui étoit attaché par le bras à un gros rocher, dont les chaînes se défaisoient d'elles-même. Vis à vis dans la même grotte, on découvroit un Bacchus, assis sur un gros rocher et tenant une coupe à la main, d'où sortoit un fort gros bouillon d'eau, de même que du tonneau qui en tombant du haut d'un rocher, faisoit remuer plusieurs petites figures qui étoient placées en plusieurs endroits du rocher, comme des forgerons, tisserans, menuisiers, rémouleurs et autres sortes d'ouvriers qui remoient et travailloient chacun de leur métier, bien au naturel, avec des moulins à vent et à eau, qui tournoient et mouvoient par le seul découlement de l'eau, qui tomboit de ce rocher dans une grande cuve de marbre noir, où elle faisoit encore une nappe d'eau; cette eau tomboit par de petits conduits qui étaient imperceptibles."
gravureDans la deuxième " Orphée anime les bois, les rochers, les bestes, & les oyseaux, & leur inspire un certain mouvement de joye, qui leur fait allonger les flancs & la teste, tremousser des ailes, hausser & abaisser les branches, & danser à la cadence, comme dans un balet. Les douze signes du zodiaque y marchent avec les mesmes régles que les Estoiles du Ciel."
Sous les rampes se trouvaient d'autres galeries et c'est peut-être là que se trouvait la grotte aux flambeaux qui était une grotte sans eau qui ne pouvait être visitée qu'en s'éclairant. C'était un théatre sur lequel se faisaient plusieurs changements de décors les uns après les autres: on y voyait la mer par temps calme avec des iles luxuriantes éclairées par un soleil levant, des monstres marins et des poissons sur le rivage. Puis la tempête se levait avec tonnerre et éclairs et on apercevait des navires se brisant sur les rochers. Suivait un riant paysage de campagne fleurie avec maisons et châteaux avec leurs jardins dont celui de Saint-Germain dans lequel se promènaient le roi et sa cour tandis que descendait du ciel le Dauphin dans un char triomphal soutenu par deux anges tenant une couronne royale sur sa tête, accompagné par un concert d'instruments à musique. Après cette scène le décor se changeait en un instant en un désert peuplé de féroces animaux qui sortaient de ruines de châteaux et de cavernes mais une bonne fée apparaissait jouant d'un instrument à cordes avec une grande habileté qui aurait pu faire croire qu'un maître de musique maniait cet instrument.

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La cinquième terrasse était très profonde et on avait aménagé deux galeries selon un axe est/ouest servant d'orangerie qui divisaient la terrasse en trois jardins distincts dont le central était orné de parterres aux broderies aux initiales et emblèmes du roi Henri IV. De part et d'autres des orangeries et des bosquets.

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Saint-Germain par Israël Sylvestre- XVIIe siècle
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La sixième est occupée par le jardin en pente planté d'arbres en quinconces.
Enfin la septième terrasse reçoit le "jardin aux canaux" avec, au centre, une fontaine entourée de quatre bassins comme on peut le voir ici alors que sur le plan de Cl. Chastillon, elle est entourée d'un parterre avec des berceaux de part et d'autres de ce dernier. Aux deux extrémités, les canaux qui ont donnés le nom au jardin.
On peut se demander si ces jardins ont effectivement été réalisés car au XVIIe siècle, la vue que nous en donne Israël Sylvestre fait douter de leur existence.
Thomas Platter lorsqu'il visite le château de Saint-Germain, le 29 novembre 1599, note: "Le jardin qui correspond à l'espace situé en arrière du palais n'était, lors de mon passge, qu'un simple parterre esthétiquement découpé en compartiments grace à des allées, et enjolivé par des plantes qui étaient un régal pour les yeux.
Aux dernières nouvelles, le vignoble tout proche, qui descendait jusqu'à la rivière, doit déjà être intégré, de nos jours, au jardin proprement dit."

De plus, Peter Heylyn note, en juillet 1625, après avoir visité les grottes: "Trente autres marches nous conduisirent à une pelouse qui s'étendait jusqu'au bord de la rivière et, où la plus jolie fleur et la plus plaisante, à mon gré, se trouva être une statue de cheval en bronze, si grande qu'un de mes compagnons et moi pumes nous tenir sur son cou."
Une gravure du XVIIe sièclegravure
Vue de Saint Germain par Gabriel Perelle.
de Gabriel Perelle nous montre les jardins et le château vus de la cinquième terrasse avec au premier plan des taillis et en bas à gauche un berger et ses moutons montrant ainsi la limite orientale des jardins.
Autre remarque: les orangeries sont absentes sur la gravure de I. Sylvestre, remplacées par deux batiments.

Saint-Germain-en-Laye dont les jardins s'ouvrent sur le paysage préfigure les jardins à la française du XVIIe siècle où nous retrouverons les familles Mollet et Francine qui étaient intervenues également avec Lenôtre dans les jardins de Fontainebleau.

L'avis de Saint-Simon

Louis de Rouvroy de Saint-Simon qui n'aimait pas Versailles regrettait que le pouvoir royal ait quitté le château de Saint-Germain. lire

Montargis
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gravureFille d'Anne de Bretagne et de Louis XII, Renée de France est faite comtesse de Gisors et dame de Montargis. Après son mariage avec le duc Hercule II d'Este, elle passera 32 ans de sa vie à Ferrare puis s'établira à Montargis après le décès de son mari. Elle fera venir son jardinier d'Italie, Jerome Teste qui créera les jardins sous la direction d'Androuet du Cerceau.

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Etablis sur un terrain en pente, ces jardins entourent le château telle une double collerette: au niveau supérieur, le jardin d'agrément, clos de tous cotés, bordé d'arbres probablement en espaliers, comprenant des "quarreaux" dont deux labyrinthes; deux pergolas et deux autres de chaque coté d'une allée divisent le jardin mais ici, ni pavillon, ni fontaine comme à Gaillon ou Blois.

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Le niveau inférieur semble avoir été consacré aux cultures vivrières, à la vigne et aux arbres fruitiers.
Le château restera quelques temps dans la famille puis fut réuni à la couronne. Dès le XVIIe siècle, les jardins furent loués et deviendront des terres agricoles jusquà la moitié du XIXe siècle où le cimetière sera agrandi sur la moitié de la première terrasse et le jardin vivrier urbanisé.

Autres jardins

Alès
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Dans Le voyage de Thomas Platter, les intéressés nous racontent le périple qu'ils firent dans le midi de la France et des lieux qu'ils visitèrent. Alès était à l'époque le domaine du connétable, disent-ils, qui y possédait un beau château avec un jardin magnifique. [...] Il faut traverser le Gardon pour arriver au fond d'une vigne, à la source dont les eaux ont été détournées pour le jardin du château. [...]
La maison du jardinier est un beau bâtiment situé au pied de la montagne, au bord du Gardon à main gauche en sortant de la ville. En y entrant,...
lire la suitephoto

Gaillon
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Georges d'Amboise qui avait accompagné Louis XII en Italie et qui comme lui avait pu admiré Poggio-Realegravure fit de son château de Gaillon le premier château Renaissance construit en France.
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Pour les jardins il fit probablement appel à Pacello da Mercogliano qui avait été amené d'Italie par Charles VIII et qui avait travaillé à Amboise et Blois.
Comme à Blois, les jardins furent établis sur un terrain en pente aplani par d'importants travaux. Cependant ils gardent encore un des caractères du jardin médiéval car les écrits de Jacopo d'Atri nous disent qu'en 1510 le mur du fond était orné de peintures et qu'en conséquence les fenêtres figurées par Androuet du Cerceau ont dû être ouvertes plus tard.
gravuregravure Le centre était occupé par un pavillon abritant une fontaine de marbre d'Italie; d'Atri admirera le décor et son toit couvert d'ardoises et la coupole en plomb doré du lanterneau vitré; plus complexe que celui des jardins de Blois puisque sont appliquées quatre tonnelles aux angles du pavillon.
Au fond du jardin devant une grande volière, un autre pavillon octogonal devait exister puis avoir été détruit lorsque Du Cerceau fit ces relevés, puisque selon Beatis, le cardinal avait l'habitude de s'y rendre, particulièrement l'été pour y faire la sieste...
A Gaillon, dont le climat est plus froid qu'en Touraine, il n'y a pas d'oranger mais des arbres fruitiers et Jacopo d'Atri précise que les carreaux sont plantés d'herbes odoriférantes ou de fleurs "les plus délicates qu'on puisse désirer" et de "buis et romarins taillés en navire, en fontaine et autre formes".?
Antonio Beatis qui le visita raconte: "Le palais ou château de Gaillon fut construit par le cardinal d'Amboise, archevêque de Rouen, sur une colline d'où l'on a, vers l'est, la plus belle perpective de prairies, d'eau et de montagnes qu'on puisse rêver. Il possède un parc de deux lieues de tour, fermé par une épaisse et haute muraille qui clôt aussi le jardin du palais. Dans le parc, il y a plusieurs coins de bois, eaux et fourrés, et des plaines où l'on force le gibier. On y voit aussi beaucoup de petits pavillons, de beaux cerfs, des chèvres, des daims communs et blancs, des lièvres et des lapins en quantité.
[...]
D'un côté du jardin, à l'extrémité du mur vers le parc, il y a une très belle volière remplie d'une multitude d'oiseaux, surtout des faisans, de perdrix ordinaires et grises et d'autres petits oiseaux variés. Au milieu de la volière coule un ruisseau; elle est en partie découverte, avec un simple grillage de fil de fer; dans cette partie sont plantés des arbres au pied desquels sont des herbages pour le plaisir des oiseaux.
De deux autres cotés du jardin, jusqu'à la grande porte qui donne sur une vaste prairie par laquelle on arrive à la cour de palais, il y a deux allées couvertes que l'on nomme galeries en France, et cloîtres ou loges en Italie. Ces deux galeries sont très larges et très longues, fort bien pavées lambrissées et couvertes d'un plafond exquisement lamé , le tout en bois de chêne d'un si brillant travail qu'on le prendrait pour de l'argent; les toits sont couverts de petites plaques d'une pierre noire qui paraît vraiment du plomb. les murs sont historiés de diverses fantaisies et de belles peintures; du côté du jardin ils sont remplcés par une rangée de colonnes de bois peints égalemnt en vert. Il y a au milieu du jardin une très belle fontaine avec des vasques de marbre, sculptées de personnages; au sommet un amour jette l'eau de plusieurs côtés et très haut. Cette fontaine est sous un grand pavillon en bois sculpté, richement orné d'azur et d'or, couvert de la même façon que la galerie; il est superbe et très aéré, à huit côtés: chaque face a sa demi-coupole.
Dans le jardin, contre la porte du parc, on a construit une chambre également de forme octogonale; des boiseries recouvrent la construction de briques; elle est peinte avec art et toute couverte d'azur et d'or. Huit fenêtres avec de très beaux vitraux correspondent à chaque façade; cette pièce est couverte de la même façon que le pavillon, comme tout le palais du reste; elle sert à dormir au milieu du jour en été.
Dans les carrés du jardin, il y a des arbres, mais surtout des herbes, du buis et du romarin dans lesquels sont taillées mille fantaisies: hommes, chevaux, navires et toutes sortes d'oiseaux ou animaux; dans l'un des carrés sont dessinées très curieusement avec de toutes petites plantes les armoiries du roi et des lettres antiques.
" ?

Les jardins de Diane de Poitiers

Chenonceau
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gravureCadeau d'Henri II à Diane de Poitiers, celui-ci fut embelli par la création d'un grand jardin en une terrasse protégée par une forte levée de terre gazonnée entourée de douves afin de le soustraire aux crues du Cher. Ce jardin était à la fois parterre, verger et potager. Elle se fit aider par Jean Babou de la Bourdaisière qui lui envoya son jardinier et Simon de Maillé qui lui envoya celui du Vernou, un jardinier de Tours nommé Nicquet et Cardin de Valence. Des allées furent percées dans la garenne avec des cabinets de verdure, un jeu de paume et un jeu de bague. Le jardinier de Vernou créa dans le parc de Chisseaux un "dédalus" c'est à dire un labyrinthe.

Voici ce qu'en dit Jacques Androuet du Cerceau.
Après avoir décrit la situation du château et sa description... Il est outre plus accomodé de jardins, avec un parc de belle grandeur, garni d'allées de plusieurs sortes. A main dextre, il y a une fontaine dedans un roc, de plusieurs jettons d'eau, et à l'entour d'icelui, une cuve de quelque 3 toisess de diamètre, toujours pleine d'eau. A l'entour d'icelle cuve, une autre terrasse, tout à l'entour de 8 à 10 pieds de haut, couverte de treilles, soutenue et fermée d'un mur enrichi de Nichée, colonnes, figures et siège. Il y a deux jardins en ce lieu, l'un delà le pont, lequel est fort grand; l'autre plus petit, est deça la rivière à main gauche en entrant au batiment, au centre et milieu duquel jardin est un petit caillou d'un demi-pied, ou environ, avec un trou d'un pouce et demi de diamètre, et fermé d'une cheville de bois laquelle ôtée il sort un jet d'eau de la hauteur de 3 toises de haut, qui est une belle et plaisante invention. Ce lieu est accompagné d'une forêt assez grande, laquelle va dudit lieu de Chenonceau jusques auprès d'Amboise...

gravuregravure

Diane importa des muriers blancs pour la sériculture que Catherine de Médicis, développa ensuite dans la région.
En 1560, Catherine de Médicis privait Diane de Poitiers de son château de Chenonceau contre l'austère château de Chaumont-sur-Loire par son rattachement à la couronne. Elle gardera mais modifiera le jardin de Diane de Poitiers en établissant au nord et au sud de longs berceaux de treillages appuyés sur des pilastres sculptés couronnés d'octogones et le doublera par de "nouvellement construits" en 1565 sur la rive gauche. Elle fit percer des allées dans le parc en gardant les jeux de paume et de bague.
Dans le grand jardin de la Reine, sur un modèle de Bernard Palissy, on créa la "fontaine du Rocher", de style rustique, faite de roche artificielle d'où jaillissaient plusieurs petits jets d'eau; elle était ornée de stalagtites et ceinte d'une pergola couverte de treilles servant de promenoir.
Note: Ce n'est pas du tout le jet d'eau que l'on voit actuellement à Chenonceau sortant d'un caillou et jaillissant à plusieurs mètres de hauteur!
Pour l'alimentation des fontaines, Catherine de Médicis avait fait appel à un fontainier nommé Picard Delphe qui eut pour mission d'alimenter tous les jardins en eau; elle fut amenée par des conduites souterraines de la source de la Dagrenière.
Catherine avait aussi fait disposer de grandes cuves de pierre assises sur des piédestals à environ un mètre de hauteur qui permettaient de faire de maigres jets d'eau; les seules ressources hydrauliques du lieu n'avaient pas permis d'en faire davantage, bien que les fontaines présentes fussent d'une grande nouveauté!

Dans l'esprit des jardins italiens, sur la rive droite, un jardin vert de végétaux à feuillage persistant avait été créé à la place du potager des anciens propriétaires du château, par un maître italien Henri le Calabrese qui, devenu agé, fut assisté par Jehan Collo dit Messine, du nom de sa ville d'origine; en "petites eaux" c'est à dire de petits jets disposés symétriquement dans les compartiments.
A ce jardin étaient annexées une vaste volière entretenue par Henri le Calabrese et une ménagerie gérée par César de Glanderon, où Catherine avait de grands moutons, des loirs, des civettes, des buffles et autres animaux.
La reine-mère poursuivit la plantation de muriers blancs et créa la magnanerie de Chenonceau et une filature de soie aux château des Houdes. Elle introduisit le plant de Tournon dans le vignoble de Chenonceau.

Limours

Construit par Anne de Pisseleu, duchesse d'Etampes, favorite de François 1er, le château de Limoursgravure fut acquis par Henri II en 1552 et offert la même année à sa favorite.
C'est là qu'elle passera les six dernières années de sa vie, oubliée après avoir été une des femmes les plus admirées de la Cour. Elle mourra à Anet le 23 avril 1566.

Anet

Autre cadeau d'Henri II à sa favorite, le château d'Anetgravure est resté célèbre pour sa fontainephoto.
Olivier de Magny chanta Anet et ses jardins - lire.

La description des jardins nous est donnée par Androuet du Cerceau, dans son ouvrage "Les plus Excellents Bâtiments de France" qui nous conduit, après avoir décrit les bâtiments, sur une terrasse d'où on peut contempler le jardin, qui donne beauté d'être vu sur icelle. D'icelle terrasse l'on descend au jardin, et au-dessous d'icelle y a une galerie voûtée. L e jardin est de bonne grandeur, et richement accoutré de galeries à l'environ, dont les trois côtés sont tant en arcs qu'en ouvertures carrées, le tout rustique, qui donne au jardin un merveilleux éclat à la vue. Le jardin est garni de deux fontaines bien prises et assises, à cause qu'il est plus large que profond. Derrière icelui sont deux grandes places servantes comme de parc, séparées d'ensemble toutefois, le tout clos. Icelles places sont remplies comme par parqutes, les unes en prés, les autres de taillis, autres de bois, de garennes, d'arbres fruitiers, viviers; et iceux parquets sont séparés par allées, et entre chaque allée et parquet en une partie sont canaux. La héronnière est comprise en ces places. Aussi l'orangerie, en laquelle est un bâtiment bien plaisant, les volières à oiseaux aussi un bâtiment joignant le jardin, auquel est pratiqué une salle fermée d'une cave, en ordre d'une demi-circonférence. En somme, tout ce qu'on désirerait pour rendre un lieu parfait est là sur le derrière.

Bury
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Florimond Robertet qui avait voyagé en Italie, probablement enchanté par ce qu'il avait vu, se fit construire un château à Burygravure
Sur ces gravures d'Androuet du Cerceau on peut voir que les carreaux des
jardins ne sont pas les mêmes selon les vues qu'il reproduit.
qui sera avec celui de Gaillon, l'un des premiers châteaux Renaissance en France.
Ce château et ses jardins auront une vie bien provisoire puisqu'ils ne survivront pas au siècle suivant; ils furent vendus par expropriation à Charles de Neuville puis après quelques sucessions fut démantelé, abandonné puis transformé en carrière de pierres.

Meudon
gravure

Bâti par le Cardinal Sanguin au XVIe siècle, qui en fait don à sa nièce Anne de Pisseleu favorite de François 1er, le château de Meudon passe aux mains du cardinal de Lorraine; ce dernier qui est allé plusieurs fois en Italie s'inspirera de ce qu'il y avait vu pour transformer le château et les jardins. Ceux-ci ne seront pas établis sur des surfaces aplanies en pente mais sur des terrasses. Une orangerie sera créée,gravure une grottegravure
La grotte dont Meudon vante toute la structure,
N'est pas un simple trou creusé dans un Rocher;
C'est un petit palais, où l'art de la Peinture,
Estale abondamment ce quil a de plus cher.
décorée par le Primatice et animée de jets d'eau, admirée par tous les visiteurs dont Ronsard, qui la chanta! Ce dernier chantera également les jardins et ses orangers tout à la gloire du Cardinal sous la forme d'un hymne afin d'obtenir quelques subsides ou abbaye... demandes auxquelles le prélat restera totalement sourd!

Saint-Cloud

photoLe château de Saint-Cloud, appartenant à Jérome de Gondi, pourrait avoir inspiré Henri IV et ses architectes pour construire le château Neuf de Saint-Germain-en-Laye. En effet, la façade, orientée au sud, s’ouvrait sur des terrasses qui descendaient jusqu'à la Seine. Les parterres s'ornaient des portraits sculptés des quatre souverains qui se sont succédé jusqu'à XVIIe siècle et présentaient tous les attraits alors à la mode en Italie : cascades, grottes, fontaines, etc. Seul aujourd'hui, subsiste le grand jet dans le bas du parc.
John Evelyn signale dans ces jardins "diverses machines pour mouiller le spectateur".

Chanteloup

gravureBien que le château soit aujourd'hui abandonné, les jardins de Chanteloup furent admirés par de nombreux auteurs. Lorsqu'en juillet 1599, Thomas Platter visite la ville de Chastres, il écrit quelques temps plus tard: "Après avoir bu le coup du soir, nous sommes allés nous promener dans le beau jardin d'agrément de Chanteloup, situé dans le faubourg, immédiatement contigu à la ville. Ce parc appartenait alors à une veuve.
Dans ce même jardin, on voit également de nombreuses compositions végétales qui reproduisent des histoires tirées du poète Ovide: les plantes y sont taillées d'après des formes diverses, et recouvertes d'autres végétaux vivaces (lierre, etc.). De même, on voit pas mal d'autres anecdotes ou histoires, en provenance de l'Antiquité romaine; elles sont peintes artistement sur les murs du jardin et, partiellemnt, elles sont aussi recouvertes de plantes. On peut apercevoir en particulier, dans ce jardin, une très belle fontaine; l'eau y jaillit par vingt-quatre tuyaux, sans exception d'aucun d'entre eux; cette fontaine est ornée d'une grosse boule, elle représente le monde entier, c'est à dire la terre et l'eau d'icelui. Idem on a commencé à bâtir une fontaine similaire, avec la sphère ad hoc, à Châtres. Dans ce parc, on peut également errer tout au long de labyrinthes bizarres, flanqués de longues allées. Belles et droites promenades! L'ensemble est environné de haies vivantes, épaisses, bien taillées. Le parc se divise en plusieurs départements et plates-bandes, celles-ci dessinant pêle-mêle des figures très diverses, avec plantations de végétaux exotiques et de fleurs extrêmement variées. Les allées sont très propres, recouvertes de sable en quantité, pour qu'on puisse marcher sans se mouiller les pieds le moins du monde quand il pleut.
En ce jardin, on nous a montré aussi une petite maison emmuraillée entièrement, dans laquelle se déroulent des scènes d'histoire romaine; elle sont jouées à l'aide de figurinres taillées dans le cuivre et le fer-blanc: celles-ci sont poussées par les remuements de l'eau pendant un bon moment, et elles se déplacent de-ci, de là au moyen d'une poussée aquatique. Elles vaquent, si l'on peut dire, à leur besogne et elles simulent une guerre navale les unes contre les autres; l'on peut encore y installer des jets d'eau de toutes sortes.
Non loin de là s'étend un bel étang vaste, cerné de même par une muraille fort plaisante et dans lequel de nombreuses fontaines, esthétiques elles aussi, font jaillir l'eau à bonne altitude. Au centre de l'étang se dresse un château, bâtis de pierres. Il est entouré par une verte prairie. Semblablement, l'étang se situe dans un pré vert."

Dans son "Théâtre d'agriculture et ménage des champs", Olivier de Serres écrit: "Ce ne pourrait voirement être sans merveille, que la contemplation des herbes parlant par lettres, devises, chiffres, armoiries, cadrans: les gestes des hommes et bêtes: la disposition des édifices, navires, bateaux et autres choses contrefaites en herbes et arbustes, avec merveilleuse industrie et patience: comme de telles gentillesses, l'on remarque à Chante-loup, où ont été assujettis arbustes et herbes"

Dans la première moitié du XVIIe siècle, Abraham Golnitz écrira dans son carnet de route:"Châtres, où les Estrangers, & entre-autres les Allemans ont remarqué un excellent jardin de Monsieur de Chantelou, qui attiroit les moins curieux, & charmoit innocemment les plus insensibles, par la vue des parterres, des cabinets de liere, des ruisseaux, des collines, des boys, des plants, & de toutes les rares pièces d'un verger de plaisance. Toutes les belles imaginations d'Ovide, & toutes les excellentes inventions de sa Metamorphose s'y voyoient presque aussi bien représentées sur les buys, lauriers, & autres bois flexibles, que dans les escrits de cet ingénieux Poëte avec les douces horreurs de l'Amphithéâtre & les aymables cruautés des gladiateurs Romains, tout vétus d'un beau vert, & parez des livrées de la nature; mais ce lieu, qui est à huit lieues de Paris, a esté donné à des Religieuses de S. Benoist, qui ne l'ont pas conservé; de sorte qu'il ne mérite pas qu'on s'y arreste."

Les jardins à visiter

Villandry

Les plus connus sont en France, ceux de Villandry qui ont été créés au XXe siècle. Mais vous n'y retrouverez ni fontaines, ni grottes, ni orangerie, ni plan d'eau, ni grands pergolas les entourant; cependant on pourra admirer les parterres et les différents jardins qui sans aucun doute vous émerveillerons.

Château-Gaillard

photoChâteau-Gaillard à Amboise, lieu où Dom Pacello de Mercoliano créera pour la première fois un jardin d’agrément dans la continuité du château et amenera avec lui les premiers orangers de France en fondant la première "Limonaia".
"Ce petit coin de paradis fut longtemps oublié, mais a été sorti de l’oubli et restauré par un passionné de la première Renaissance : Mr Marc Lelandais"
Pour visiter

Chamerolles

Les jardins du château de Chamerolles dans lequel a été aménagé le musée des parfums ont été reconstitués d'après les gravures d'Androuet du Cerceau.

photo

Des jardins Renaissance plus fidèles que ceux de Villandry, avec pergolas et labyrinthe!
Pour visiter

Montargis

A Montargis sur un terrain qui, autrefois faisait partie des jardins du château, ont été re-créés 12 carreaux selon les plans de du Cerceau.

Suite

Sources

- Salomon de CAUS- Le jardin palatinphoto - Editions du Moniteur
- Casimir CHEVALIER- Le château de Chenonceauphoto - Notice historique.
- Collectif- Jardins de châteaux à la Renaissancephoto - Gourcuff-Gradenigo
- Collectif- Créateurs de jardins et de paysagesphoto en France de la Renaissance au début du XIXe siècles - Actes sud
- Collectif- Histoire des jardinsphoto - de la Renaissance à nos jours - Flammarion
- Collectif- Nature & paysagesphoto - L'émergence d'une nouvelle subjectivité à la Renaissance - Ecole des Chartes
- Vincent DROGUET- Les jardins du château de Fontainebleauphoto - Nicolas Chaudun
- André FELIBIEN- Mémoires pour servir à l'histoire des maisons royales de bastiments de Francephoto - reprint
- André FELIBIEN- Vues des châteaux du Blésoisphoto - au XVIIe siècleF.P. Lesueur
- Penelope HOBHOUSE- L'histoire des plantes et des jardinsphoto - Bordas
- Gaëtane LAMARCHE-VADEL- Jardins secrets de la Renaissancephoto - des astres, des simples et des prodiges - L'Harmattan
- Pierre LESUEUR- Les jardins du château de Blois et leurs dépendancesphoto - Imprimerie C. Migault & Cie - Blois
- Emmanuel LURIN- Le château de Saint-Germain-en-Layephoto - Les Presses Franciliennes
- Thomas PLATTER- Le voyage de Thomas Platterphoto - Le siècle des Platter II - Fayard
Sur le Web: ouvrages et articles numérisés
- David ASSELINE- Les antiquitez et chroniques de la ville de Dieppe- Tome I - Tome II.
- Don Antonio de BEATIS- Voyage du cardinal d'Aragon en Allemagne, Hollande, Belgique, France et Italie.
- Eugène BELGRAND- Les travaux souterrains de Paris - Les eaux.
- Geneviève BRESC-BAUTIER- Jean Séjourné, sculpteur-fontainier d'Henri IV, mort au Louvre en 1614.
- Hervé BRUNON- Grottes de la Renaissance.
- Casimir CHEVALIER- Les jardins de Catherine de Médicis à Chenonceau.
- Giulia CICALI- De la convergence vres les Bâtiments du Roy à la diaspora dans le royaume. Une étude de cas sur la circulation des artistes italiens entre la fin du XVIe et le début du XVIIe siècle.
- Vincent DROGUET- Fontainebleau, le temps des jardins.
- André DU CHESNE- Les Antiquités et recherches des villes, chasteaux et places plus remarquables de toute la France. pages 219 à 224
- Abraham GOLNITZ- L'Ulysse françois. pages 236 à 242
- Michel HARDY- Notice sur David Assouline.
- Monique KITAEFF- Le Château Nneuf de Saint-Germain-en-Laye.
- Emmanuel LURIN- Le Château Neuf de Saint-Germain-en-Laye, une villa royale pour Henri IV.
- Claude MOLLET- Théâtre des plans et jardinages.
- Colette NATIVEL- Restauration, parachèvement, prouesses. Un portrait d'Henri IV en bâtisseur.
- Philibert de l'ORME- Architecture
- Jardins de châteaux à la Renaissance- Château royal de Blois.
- Georges ROTH- Revue archéologique 1919- pages 365 et 366.
- Israel SYLVESTRE- Fontainebleau
- Leonel de la TOURRASSE- Le château-neuf de Saint-Germain-en-Laye Gazette des Beaux-Arts - Année 1924- t1, pages 68 à 95.
- Blanca TRUYOLS- Les présents de Ferdinand Ier de Médicis à Henri IV pour les jardins de Saint-Germain-en-Laye

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