Michel Foucauld.
e jardin est habituellement lié à la détente, au repos, à la promende ou à la méditation voire à la contemplation, au jardinier à son entretien et à ses plantations, au potager au travail de la terre et obtenir fleurs, légumes, plantes aromatiques et médicinales.
Du paradoxe présent dans la culture orientale, faut-il voir l'absence de la figure labyrinthique dans ses jardins qui tentaient de représenter le monde sous une forme poétique et alors que cette figure était présente dès le Moyen-Age en Occident et dans la "cité" depuis les Egyptiens. Le labyrinthe apparait alors comme le parcours paradoxal par excellence, entre les deux entités créées par la dualité, ce qui l'apparente à la double hache de la religion minoenne.
Vous êtes invité à entrer dans ce jardin, non pas directement dans cet espace dévolu au repos du corps et de l'esprit mais opposé à ce dernier, un jardin inquiétant, perturbant, troublant mais "magique" pour le novice: le labyrinthe car il est la parfaite incarnation de l'idéal de la discordia concors, ou harmonie des contraires.
Comme le dit André Mollet, le labyrinthe vu de loin "fera un très bel effect sur terre" et c'est dans cet écrin de verdure que se fait la rencontre avec son effroyable contenu qui impose le silence, avive la curiosité et attise le désir de connaissances de ceux qui consente à y entrer.
"A l'entrée du palais de Cnossos se dresse le signe du Taureau.
C'est en partant de lui qu'on descend au royaume du secret, du désespoir, de la purification et de la rencontre avec soi-même et de la liberté."
Paolo Santarcangeli cité dans Le livre des labyrinthes traduit par Monique Lacau.
Entrer dans le labyrinthe que ce soit par curiosité, acceptation ou insouciance, c'est risquer de se perdre davantage- dans tous les sens du terme- mais c'est aussi tenter l'impossible pour ne pas mourir! Une fois entrer, c'est se projeter hors des allées du monde, celles que nous avons empruntées jusqu'alors et qui nous ont conduits de gré ou de force dans l'existence. A travers le labyrinthe, nous allons à la rencontre de la vie, sachant qu'à un moment ou à un autre le Minotaure surgira et qu'il faudra l'affronter.
Nous aurons recours à Edith de la Héronnière, dont les lignes s'appliquent au parcours labyrinthique.
Entrer dans le labyrinthe: "L'acte est gratuit et il est beau. Il sort tout à fait des nécessités quotidiennes et alimentaires pour projeter l'homme dans la sphère poétique. Il en fait un idiot, un être singulier, solitaire, une personne. Celui qui s'engage dans le labyrinthe est un idiot puisqu'il consent, non sans légèreté ni humour, à la peur et à la mort. Mais il n'est pas un imbécile, bien au contraire. Son geste est sans doute la sagesse même puisqu'il conduit au coeur de la vie en épousant de son plein gré ses chemins tortueux, déroutants, terribles parfois. Il a de la bravoure. Il veut vivre. Il ne craint ni sa peine ni ses peurs."
Entrer dans le labyrinthe, c'est aussi mettre en valeur la part féminine de sa personnalité représentée par le fil qu'offre Ariane à Thésée pour le guider.
Edith de la Héronnière - Le labyrinthe de jardin.
Nous ne ferons pas de distinction entre le labyrinthe d'une seule voie au parcours sinueux et au dédale qui déroute le pélerin.
oseph L. Henderson qui parcourut le labyrinthe d'Ely raconte: L'expérience d'un labyrinthe, sous quelque forme que ce soit, peinture, danse, sentier de jardin, système de couloirs d'un temple, produit invariablemnt le même effet psychologique: un dérèglement temporaire de l'orientation consciente qui fait que [...] l'initié est "dé-routé", qu'il perd symboliquement son chemin. Pourtant, dans cette descente vers le chaos l'esprit s'ouvre à de nouvelles dimensions cosmiques, de nature transcendantale. Quand on pénètre dans la nef de la cathédrale d'Ely par le portail ouest, on découvre, prise dans la pierre, une grande mosaïque au dessin labyrinthique. Il m'est arrivé d'en suivre le tracé, de parcourir lentement le labyrinthe, dans un sens et dans l'autre, pour découvrir avec étonnement que le seuil de ma perception avait baissé. Non pas à cause du vertige seulement, mais d'une manière singulière qui me permit, une fois sorti du labyrinthe, de ressentir de façon plus naturelle, plus authentique, la beauté du grand espace qui m'entourait. Quoique ce labyrinthe ne fut qu'une réminescence des modèles anciens de vie et de mort, repris par les danses rituelles de l'Antiquité et que perpétuent aujourd'hui encore certaines sociétés tribales, son message garde toute son authenticité, s'il s'accompagne du sentiment d'un renouvellement intérieur.
"Parcourant ce territoire, que l'on ne pouvait sans doute embrasser d'un seul regard que du haut de la chaire vitrée de la villa belge, il m'arriva aussi, à plusieurs reprises, de rebrousser chemin sur une longue distance, et ce faisant, je me trouvai plongé au bout du compte dans un état de panique croissante. Le ciel bas couleur de plomb, le violet maladif de la lande qui finissait par vous troubler la vue, le silence bruissant dans les oreilles comme lorsqu'on écoute la mer dans un coquillage, les mouches qui ne cessaient de m'assaillir, tout cela me paraissait angoissant et horrible. Je ne saurais dire combien de temps j'ai passer à errer de la sorte, dans cette disposition d'esprit, ni comment je m'en suis finalement sorti."
W.G. Sebald - Les anneaux de Saturne.
Le jeu de paume que les ecclésiastiques effectuaient le jour de Pâques sur le tracé du labyrinthe pourrait être une nouvelle illustration et considéré comme un nouveau parcours du labyrinthe faisant faire un maximum de pas en tous sens dans un espace limité, et serait ainsi une autre représentation de la Résurrection.
Le labyrinthe ressemble en de nombreux points à la forêt et dans "Le petit Poucet", le fil d'Ariane a été remplacé par de petits cailloux que l'enfant sème derrière lui et son expérience à celle d'Alice, passant de l'autre coté du miroir pour atteindre le pays des merveilles.
C'est dans cet espace végétal et architectural que le paradoxe apparaît à notre esprit, comme l'exprime B. Vergely: On triomphe du labyrinthe extérieur en triomphant de son labyrinthe intérieur
et que la métamorphose s'accomplit: le face à face à la mort permet à l'individu sa résurrection.
Mis face à ses angoisses intimes: la solitude, l'abandon, la bête, la mort, il les vainc en les transcendant.
Mais il faudra à l'individu sortir de ce lieu et la suite de son parcours sera celui du doute et du questionnement car c'est vers l'inconnu que maintenant il se dirige: sa véritable identité!
uant il ressort, il est vainqueur et héros; ayant affronté les tréfonds de son angoisse, il est devenu autre et rien ne pourra plus lui arriver.
La sortie de labyrinthe était anciennement accompagnée de danses dites "de la grue" comme Homère nous le dit dans l'Iliade, Plutarque dans Thésée et on peut y voir une danse à caractère funéraire pour célébrer la victoire sur la mort.
Dans le labyrinthe de jardin qui associe tous les parcours, ces danses pouvait figurer non pas un encerclement mais un passage pour l'obtention de l'objet du désir figuré par l'arbre en son centre.
"Dans cette perte de repères se dévoile un ingrédient d'ordre métaphysique dont la fonction est, semble-t-il, de casser les résistances psychiques et psychologiques, physiques aussi, dont notre être se barde et qui font obstacle à cette découverte de degrés supérieurs de conscience, et sans doute de connaissance. [...]
Ces expériences ... parlent de la vertu métamorphique de l'égarement, de la nécessité de quitter un jour ses clartés et ses demeures, ses abris et ses défenses, pour risquer l'aventure de la vie qui, par sa nature même, se charge plus souvent qu'à son tour de nous plonger dans le désarroi. La vie vraie se rencontre aux limites de la vie, dans des confins géographiques, psychologiques et mentaux où on perçoit soudain son importance et sa fragilité, cet éphémère qui la rend si précieuse et si attachante, tout en nous préparant sagement à la quitter.
[...]
S'égarer est une nécéssité ontologique. Chacun sait que dans ces moments-là survient la révélation tant sur soi-même que sur l'existence. L'errance est le temps et le lieu de la connaissance. Sa réalité invite à l'intériorité et à la réflexion: dans l'insécurité qu'elle engendre survient un surcroit d'attention, de vigilance; dans le vertige qu'elle suscite surgissent des compréhensions fulgurantes- ces tours et tourbillons accomplis dans la perte du sens, ce dessillement soudain provoqué par la rupture de l'habitude, obligeant à sortir tous les récepteurs et capteurs endormis pour faire naître de nouvelles sensations et de nouvelles lueurs d'intelligence dans cet espace instable suscité par l'inquiétude."
Edith de la Héronnière - Le labyrinthe de jardin.
Entrer dans le labyrinthe pour en affronter le minotaure n'est malheureusement pas la solution universelle pour délivrer l'homme de sa part animale ou perverse car les images des mythes présentes dans l'insconcient sont plus nombreuses et l'individu devra quelquefois anéantir Méduse, la Chimère ou combattre d'autres figures: Tantale, Prométhée, Protée, etc...
Lire "Le symbolisme dans la mythologie grecque." de Paul Diel.