oger du Plessis et surtout sa femme, Jeanne de Schomberg, sont les créateurs du superbe parc du château de Liancourt. La petite histoire nous dit que c'est pour retenir un mari volage que Jeanne de Schomberg créa les jardins; une autre raconte que, n'étant pas duchesse, mal acceptée à la cour, elle créra ces jardins pour attirer de grands personnages; en effet, le roi Louis XIII et Louis XIV enfant viendront les visiter.
Un texte du fils de La Rochefoucauld raconte: La terre de Liancourt était célèbre par la beauté de ses jardins, où tout ce que l'art peut créer était joint à tout ce que la nature peut prodiguer de plus délicieux. Un site charmant exposé aux premiers rayons du soleil, une vaste étendue de promenades naturelles sur un sol embelli par sa fertilité, deux rivières qui, après avoir coulé longtemps séparément pour mieux embrassé ce riche vallon, viennent former dans un parc immense les pièces d'eau les mieux distribuées, voilà ce qui avait été formé si agréable, si frais, si riant à l'oeil, dans le seul but d'inspirer la retraite et la dévotion. La duchesse du Plessis-Liancourt avait formé ces jardins en 1640 pour engager son époux à se retirer de la cour; et il y avait réussi.
Tallemant des Réaux dira: Elle y fit tout ce qu'on pouvait faire de beau pour les eaux, pour les allées, pour les prairies. Elle donna de sa main les dessins des jardins et des machines.
Au XVIIIe siècle, les jardins seront mis à la mode de l'époque c'est à dire formés au pittoresque et au naturel et l'on installera une cuvette de marbre de Carrare provenant du château de Gaillon. Elle sera ensuite ré-installée en Charente dans le parc du château familial des La Rochefoucauld. A la révolution, commencera la dégradation, la destruction ou l'utilisation à des fins industrielles des locaux encore en place. Seule reste aujourd'hui une partie des communs.
ans la correspondance avec son père, Denis Godefroy décrit les jardins de Liancourt lors de son voyage: Un vaste parterre bien compassé, couvert d'une belle fontaine au milieu, bordé à la droicte d'un très beau jeu de longue paume, en face d'un large canal et à gauche d'une allée de grande estendue, rend son premier abord majestueux. De vouloir entreprendre icy de descrire tout ce qui sembleroit digne de l'estre, il faudroit s'arrester et raconter une histoire en chaque allée, il suffit de dire que le contour de tout ce jardin délicieux est de plus de deux cents arpents et qu'il s'agrandist encores tous les jours, qu'il est entremeslé de larges et assez longues allées pour lasser au bout les meilleurs piétons, de huit ou dix principaux canaux où nagent des cygnes, d'un jeu de mail, de plusieurs et différents parterres de toutes sortes; et couvert de compartiments d'eau en forme carrée ou ronde et simples fontaines en très grand nombre; divers arbrisseaux plantez par juste proportion en eschiquier, des prairies toujours verdoyantes, les jardins potagers, une particulière solitude nommée le Couin-Verd, où un pont-levis sert au travers d'un petit canal d'un trébuchet pour rire et attraper ceux qui sont les plus en veüe du soleil, et tant d'autres grâces et ornements des jardins, ne causent pas peu de récréation et admiration aux yeux de ceux qui s'y pourmènent. Ainsy ce qui est des plus à considérer est la belle veüe qui de tous costez nous paroist sans obstacle des murailles, à cause des belles collines qui les surpassent à une lieue à la ronde.
n 1655, Louis Huygens, fils de Constantin Huygens accompagné de son frère, Christian, fit un voyage en France en rédigeant un journal dans lequel il nous compte ses visites et ses impressions. Arrivé au château de Liancourt, sans y être entré, il écrit: Nous nous contentâmes de la veue du jardin qui effectivement est un des plus beaux ouvrages que l'industrie et la nature ensemble ayent jamais produit. [...] Une des plus belles choses que j'aye remarqué en ce jardin est un fort bel estang d'eau la plus claire du monde, où il y a au milieu un cabinet de verdure avec 8 ou 10 fontaines. Un autre estang où il y a 25 jets d'eau d'une fort belle hauteur qui y sautent continuellement et dans un pré verd qui est au milieu une cascade qui jette continuellement une très grande quantité d'eau. Il y a outre cela au bout d'un canal contre une allée obscure où l'on monte de deux costez 17 jets d'eau chacun de la grosseur d'un poulce. Mais le plus (beau) de tous, à mon advis, est le parterre qui est à costé du chasteau qui est entouré de fort belles allées d'arbres et une très belle fontaine au milieu dans laquelle des monstres marins jettent une quantité furieuse d'eau vers les bords de ladite fontaine. En regardant de la vers la maison il y a une cascade tout au long du parterre de... jets d'eau qui tombent chacun en ses bassins ou grandes couches appropriées à cela. Outre ces fontaines, il y en a une infinité d'autres toutes très belles et copieuses, et il n'y a presque pas une allée dans tout ce grand jardin qui ne regarde sur quelque fontaine diverse et mesme la plupart de diverse façon. A costé du jardin il y a encor une prairie qui est remarquable pour sa grandeur et pour estre entourée de deux beaux canaulx, et entre ces deux d'une allée de 4 ou 5 rangées d'arbres.
a même année, en 1655, le père Rapin écrivait: C'est ainsi que la nymphe de Liencourt ménage des chutes à ses eaux du haut d'une élévation couverte de gazons fleuris. Voyez ces fontaines si bien distribuées se diviser en des milliers de petits ruisseaux qui serpentent à travers les fleurs; voyez ces gazons émaillés, où la naïade prend tant de plaisir à se reposer; figurez-vous les campagnes de Liencourt, si fameuses par la beauté de leurs ondes, goûter le frais de ces grottes si riches et si simples, où coule un clair ruisseau [...]
La face du château, vers le levant, répondait à un parterre composé de plates-bandes de fleurs qui, comme autant de rayons, se rendaient à un bassin au milieu duquel s'élevait un jet d'eau. Un amphithéâtre de verdure et de forme "orbiculaire", où l'on plaçait les orangers, servait de fond à ce parterre.
[...]
Le parterre d'eau situé au couchant était divisé en deux parties. La première, la plus élevée, renfermait dans son milieu, la "fontaine de la Perruque", consistant en un "guéridon" de six pieds de diamètre et à deux gradins. Plusieurs compartiments de fleurs l'environnaient. Sur une bande de gazon qui régnait dans toute sa largeur, étaient posés seize chandeliers d'eau tombant en pyramides; et deux plus haut près de l'escalier. Ils étaient interrompus par une rampe de 18 pieds de large et à sept gradins, couverts d'eau.
La deuxième partie de ce parterre était décoré d'un large bassin dans lequel tombaient ces eaux avec grands bruits.
Il est une mode et façon des plus beaux jardins de plaisance d'Italie, dont l'invention est parvenue jusques icy, consistant en descentes d'eau correspondant par tuyaux et tombant par des couloirs de plomb de degrez qui sont tous couverts et verdoyants de verdure, ce qu'ils nomment cascades.
Des jets étaient alignés, dont l'eau retombait, en vingt-deux cascades aux trois marchepieds, dans des coquilles de marbre rose, qui étaient le plus bel ornement du second parterre. Là, entre quatre compartiments de gazon fleuri, une fontaine plus abondante s'élevait d'une roche, gardée par quatre tritons. Pareil rideau de cascades constitue le plus bel ornement du jardin de la Villa d'Este, à Tivoli, près de Rome: la voie des 100 fontaines.